jeudi 7 septembre 2017

9 ans... C'est toute une vie et c'est pas grand chose

La 1ere année, ça a quelque chose d’effrayant et d’excitant à la fois : tu retournes à l’école. Tu achètes des blocs, des crayons, des surligneurs et même un nouveau cartable dis donc ! Tu te fixes des règles en te disant que cumuler un temps plein et reprendre des études, ça demande un minimum de discipline.

Et aussi tu paniques… Parce que les études et moi on n’a jamais été potes. « Peux mieux faire », j’ai lu et entendu ça toute ma vie. « oh tu es assez intelligente mais vraiment pas une intellectuelle ». Et voilà que je signe pour passer une licence en cours du soir. Je suis folle ! Mélangez le syndrome « bonne élève » et celui de « l’imposteur » et vous avez une vague idée de ma panique. Et si mon cerveau était trop rouillé pour tenir la distance ?

Puis l’année commence. Des cours le vendredi soir dans des salles blafardes jusqu’à 21h30/22h ou le samedi matin dans des bâtiments déserts. Honnêtement, l’initiation au management et la psycho cognitive, bof mais la psycho sociale et des organisation, ah ouais !

Tu rencontres des gens sympas voire géniaux. Tu commences à bosser à plusieurs, à préparer les examens de fin d’UE (Unité d’Enseignement) ensemble, à rire, à (te faire) rassurer, à (te faire) encourager. Et tu valides tes matières. Et tu fêtes ça avec les autres.




La 2eme année, tu t’es coordonnée avec les autres pour être dans les même créneaux horaires. Des matières chouettes, d’autres chiantes. Tu prends le rythme. Tu taffes toute la semaine. Tu es en cours certains soirs et tu bosses le week-end. Tes jours de RTT, c’est cool tu peux aller à la bibliothèque. Vous êtes quatre à bosser ensemble et plus. La psycho du développement te gonfle mais c’est un incontournable.

Les cours le samedi toute la journée commencent. Et c’est loin. Alors, on fait voiture commune en faisant tourner les voitures et les conductrices. Puis c’est rigolo (non, en fait), le week-end ils coupent le chauffage là où on a cours. Alors à 7h30 quand on démarre, on emporte des étoles, des mitaines, des thermos de thé et de café, nos repas du midi plus des douceurs dans des paniers et on est habillées chaudement. Et on se bouffe 110km aller et 110km retour pour une journée de cours dans la pampa : on voit les vaches dans le champ d’à côté depuis la salle de cours. Et là tu commences à t’immerger dans des matières qui te passionnent, vraiment. Tu bosses plus et différemment. Et tu engranges tes UE validées avec avant chaque examen la trouille au ventre, celle d’échouer. Tu commences à prendre sur tes congés pour travailler et réviser. Passionnante et éreintante cette année. T’en peux plus des matins blêmes à gratter le givre après ta semaine de taf pour aller scribouiller des heures de cours. Mais tu deviens accro au savoir. Ce que tu apprends te nourrit comme jamais et te fait grandir. Tu te rends malade avant tes examens. Tu valides haut la main.

Et quelque chose commence doucement à changer. Ce que tu apprends s’insinue en toi et imperceptiblement fait évoluer ton regard sur l’organisation du travail où tu bosses et sur ton rapport au travail. C’est aussi l’année où tu deviens secrétaire du CHSCT et que tout s'emballe.



La 3eme année, Tu es le nez dans le guidon : boulot à temps plein, études et CHSCT… Tu imploses en plein vol, burn-out. Tu démissionnes, tu déménages, tu valides tes UE. Heureusement tu en avais moins cette année. Les amies ne te lâchent pas. Nos vies ont évoluées donc on n’a pas forcément tous nos cours ensemble mais quand on peut, on bosse à plusieurs. Qu’est-ce qu’on a bu comme verres, bouffé comme Nougattis et tablettes de chocolat cette année là ! Tu es épuisée et tu as perdu 9kg. Et pourtant en ce mois de juin, tu sais déjà que l’année prochaine tu prendras au moins une matière pour ne pas lâcher. Cette licence, tu la veux !



La 4eme année, tu bosses à l’usine et vraiment t’as pas le cœur à étudier. T’as pris Sociologie, en enseignement à distance. À 15 jours de l’examen, tu télécharges les cours et tu les lis. Heureusement, tu y as droit pendant l’écrit. Tu y vas par fierté et non par envie. Et là tu te dis que l’Univers est sympa : sujet sur l’égalité femmes – hommes dans le milieu pro et perso, jolis tableaux statistiques à l’appui. Tu balances tes tripes, tout ce que tu as lu (car le sujet t’intéresse depuis longtemps) remonte à la surface, deux trois concepts (l’Habitus de Bourdieu est une valeur sure) et tu rends 8 pages torchées en moins de 2h. Une de tes meilleures notes depuis le début de ta formation !

C’est aussi l’année où tu rencontres Pôle Emploi, ses méandres et ta conseillère qui te dis « ben, vous devriez aller au bout du cursus ». Et puis se faire accepter chez les Gnous à Paris aussi. Si vous lisez le blog, depuis ses débuts, ça doit vous rappeler vaguement quelque chose



La 5eme année, ça se corse : tu vas à Paris étudier dans le temple des Gnous. Et là, tu changes de braquet et ta vie se complique. Tu commences les trajets en TGV Bretagne < - >Paris en traînant ta valise (Parce que vous croyez que #jaimeletrain sort de la cuisse de Jupiter?!!) . Les cours sont plus ardus, plus conceptuels. Tu entres dans le dur. Les formateurs et les autres élèves sont plus élitistes et intellos. Tu ne sais pas si tu pourras tenir. Tu n’es tellement pas à la hauteur.

Tu rencontres des personnes chouettes qui deviennent des amis. Et puis tu rencontre l’Amour. Tu ne t’y attendais pas vraiment dis donc !

Une UE validée et l’autre travail non rendu : j’avais tellement rien appris que je ne voyais pas l’intérêt de valider pour valider. J’étais là pour apprendre après tout. Si je n’avais pas validé l’autre ; j’arrêtais tout.



La 6eme année, l’année des choix personnels. Tu renonces à ta Bretagne pour construire une vie à deux. Sauf qu’elle est transalpine ta vie et que tes cours sont à Paris. Alors c’est le train, encore et toujours quasiment toutes les semaines, la valise greffée au bras. Les cours sont passionnants mais exigeants. Tu retournes au bord de la mer quand tu peux et tu as le mal du pays du bout de la terre. Mais tu aimes aussi, alors… Et ça, c’est beau.

Tu bosses tes travaux de fin d’année en bouffant du chocolat et du fromage. Tu stresses à mort de ne pas réussir et passes des heures sur Skype avec tes collègues de formation. Tu prends 15kg. Tu valides tes UE, plutôt bien d’ailleurs.



La 7eme année… Celle-là, tu la fais parce que ça serait trop con d’être arrivée jusque là et de lâcher maintenant. En terme psycho, ça s’appelle l’escalade d’engagement : vu tout le chemin parcouru, autant aller au bout maintenant.

C’est l’année où tu retrouves une copine de formation de 6eme année, avec qui tu feras notre intervention terrain en EHPAD. Une claque dans la tronche sur la réalité d’une maison de retraite privée, sur le travail et les conditions de travail des ASH et sur ce qu’est une intervention en tant que psychologue du travail. Ce n’est qu’en juillet, quand tu termines, que tu sens que tu pourrais bien servir à quelque chose quand tu seras diplômée. Le travail que tu as à rendre est une torture à écrire et tu doutes jusqu’au dernier mot. Tes formateurs vous félicitent toi et ta binôme de votre intervention et du travail rendu.

Ton sujet de mémoire est validé par le jury du probatoire. C’est plutôt pas mal en fait. Tu étais tellement persuadée d’être retoquée.

Tu as continué tes trajets en TGV en traînant ta valise de plus en plus lourde de bouquins et cours divers.



La 8eme année, ne pas lâcher, celle des derniers cours, du dernier examen et de ce que tu avais prévu d’être le rendu et la soutenance du mémoire… Ouais sauf que non. Tu valides ta dernière matière mais pour le mémoire ça se complique. Tu t’en rends malade à en vomir et à en pleurer. Tu finis par prendre la décision de décaler de 6 mois et ça n’a pas été simple à décider et à annoncer. Tu te sens nulle et en dessous de tout, pas à la hauteur. Tu as l’impression de décevoir tout le monde et en particulier celui avec qui tu vis.

Vous êtes rentrés en France et c’est pas simple.



La 9ème année… Tu n’en peux plus de ton putain de mémoire. Mais alors vraiment plus. Tu serais digne de figurer dans un épisode des Walking Dead au moment du rendu tellement tu es décalquée. Puis la soutenance, l’angoisse de tout planter, que ton mémoire soit nul. Et tu en ressors diplômée. Avec mention en plus ! C’est fini...





Cela m’aura donc pris quasiment 9 ans, neuf longues années. C’est toute une vie et c’est rien. En neuf ans, j’ai démissionné de mon boulot d’éducatrice spécialisée, changé de vie, bossé à l’usine, rencontré l’Amour, vécu à l’étranger, rencontré plein de personnes formidables, je me suis fait des amis, en ai perdu, ai déménagé un nombre de fois assez dingue, pris le train tout le temps, validé une licence puis un titre professionnel niveau Bac + 5, déménagé à nouveau, perdu l’Amour. J’ai ri, pleuré, aimé, crié, été découragée, enragée, obstinée puis récompensée.

Je ne regrette rien de tout ce que j’ai vécu, absolument rien. Je n’imaginais pas une seule minute ce qui m’attendait (et heureusement) lorsque j’ai repris mes études. J’ai eu la chance d’être entourée, portée et soutenue par plein de monde. Je n’y serais pas arrivée sinon. Et ça a été si dur parfois. Mais tellement génial aussi !


Et j’ai appris deux choses fondamentales : je suis capable et je suis persévérante. Je ne dis pas que les doutes et le sentiment d’imposture ont complètements disparus mais j’ai réussi quelque chose que je me pensais incapable de faire, alors ça remonte l’estime !

Pour le reste, j’ai repris le chemin de mon village pas loin de la mer. Dernier changement de vie avant longtemps. J’ai besoin de routine pendant quelques temps… 

 

4 commentaires:

  1. Wow beaucoup d'émotions en lisant tes mots ! Tu es une fille formidable et tu mérites un doux repos dans ta jolie maison ^_^

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  2. J'ai un peu suivi ton parcours via twitter. Je sentais bien que c'était dur mais tu as vraiment toute mon admiration après que j'ai lu ces lignes. Bravo !
    Bonne route pour la suite (bretonne) !

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  3. Tu peux être fière de toi, je te souhaite de trouver un boulot pas trop loin de ton Pétaouchnoc'h et de voir grandir Albert. Bises nordistes

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