Je
vais vous parler de mes ovaires ou plutôt de l'utilisation que j'en
fais. Que ceux – celles que cela
choquent/dégoûtent/indignent/dérangent d'entendre parler de vagin,
d'utérus et d'ovaires se dirigent tranquillement vers la sortie et
vaquent à leurs occupations.
Qu'est-ce
qui fait que je veux vous parler de mes ovaires ? En fait, je ne
veux pas réellement vous parler de mes ovaires mais d'une situation
qui découle d'un choix que j'ai fait il y a des années et qui n'est
pas sans répercutions sur ma vie.
Sans
enfant. J'ai décidé il y a des années (en y regardant, deux
décennies déjà) que je ne souhaitais pas mettre d'enfant au
monde. Plusieurs raisons à cela. Quand je regarde notre planète
aujourd'hui, nucléaire, chimique et guerrière (entre autre) je ne
pouvais juste pas me résoudre à faire naître un être qui aurait à
grandir et évoluer dans un tel environnement.
Et
puis, un peu plus de 10 ans à travailler dans la prévention et la
protection de l'enfance ont profondément ancré mon choix.
Ce
que je dis ne concerne que moi c'est à dire que je ne juge pas les
personnes qui choisissent de devenir parents. Chacun a un rapport au
monde différent. Je ne juge pas mais apparemment la réciproque
n'est pas toujours vraie...
Nullipare...
J'exècre ce mot à un point ! Il est laid. Dissonant. Il
m'agresse, me dégoûte. Mais c'est le terme usité parait-il...
Quand je regarde la définition dans le dictionnaire, ça donne
quelque chose comme « qui n'a jamais mis bas ou accouché »...
dont acte.
Donc,
parée de ma nullité en la matière, j'arpente mon existence et je
suis plutôt heureuse de la vie que j'ai. J'assume mes décisions, tranquillement.
Seulement
voilà, pour je ne sais quelle raison, il semblerait que franchement
c'est du grand n'importe quoi de ne pas vouloir être mère. Si, si !
Je vous assure !! Très régulièrement j'entends des
réflexions ou j'observe des regards qui laissent entendre que j'ai
du déposer mon cerveau en consigne le jour où j'ai fait ce choix.
Parce
que c'est un marqueur social les enfants. Lorsque je rencontre des
personnes que je ne connais pas (ou que je discute du sujet avec
certains amis d'ailleurs) après la question de où je viens et de
mon travail celle des enfants n'est jamais loin. Les personnes
courtoises et polies prennent acte de ma réponse et passent à autre
chose. D'autres changent de visage (consterné, grave, suspicieux,
interrogateur, doutant...) ou s'expriment sur le sujet avec plus ou
moins de délicatesse.
Petit
florilège des réflexions qui émanent à 95% de femmes, je le
précise :
- « Ah nan, mais chai pas comment tu fais... » : je me souviens avoir répondu un jour que c'était ce à quoi servait la contraception mais je crois que ça n'est pas ce que voulait dire la personne qui a été choquée de ma réponse.
- « Tu n'en veux pas... pour l'instant » : effectivement n'étant qu'une femme décérébrée et incapable de réfléchir à ce qu'elle veut, je ne PEUX PAS avoir décidé une telle chose. Plus les années passent plus je trouve cette remarque ridicule. Entendre ça à plus de 40 ans me donne maintenant envie de rire, ce que je fais souvent en disant que je suis en DLUO* dépassée de mes ovaires. Zut, je choque encore !
- « Tu n'as pas rencontré la bonne personne pour les faire, c'est tout » : La bonne personne ? LES ? … no comment
- « Ma vie a pris un sens le jour où je suis devenue mère, tu verras... » : Tout ce que j'espère c'est que que tu as réfléchi au sens de ta vie (et au sens que cela avait d'avoir des enfants) AVANT la maternité parce sans vouloir bitcher : c'est avant et pas après qu'il faut se poser la question... Rassurez-vous, je me tais en général et je hoche la tête.
- « T'es une vraie féministe toi !» : là, comment vous dire... J'en suis restée bouche-bée avant d'exploser d'un rire consterné qui a vexé mon interlocutrice.
Et
puis, il y a les remarques qui me blessent même si je ne le montre
pas. Celles qui viennent toucher au cœur et font sourdre des larmes
invisibles.
- « Tu n'aimes pas les enfants » généralement dit d'un ton un peu méprisant ou affirmé, venant me juger sans même connaître et me cataloguant comme... je ne sais pas quoi en fait. Effectivement je n'aime pas tous les enfants de la planète mais généralement je les kiffe. Les enfants m'émerveillent. Leur capacité à découvrir le monde, à s'étonner, à s 'exprimer. Leur intelligence, leur malice, leur grâce... Je pourrais écrire des pages sur eux mais ça n'est pas le propos. C'est peut-être parce que je les aime que je préfère ne pas en porter et en mettre au monde.
- «Ah oui t'es une égoïste toi » : ah... si tu le dis, je dois être une horrible égoïste de ne pas vouloir devenir mère... Je crois qu'il vaut mieux ne pas l'être que d'en être une mauvaise, mais c'est juste mon point de vue hein.
- « De toute façon, on ne deviens femme que lorsqu'on devient mère » : là, c'est simple Je.t'emmerde.et.je.conchie.ce.que.tu.dis. Ça me met en rage d'entendre de tels poncifs et je me demande toujours « mais alors, que suis-je à tes yeux ? » mais je ne le verbalise pas. Être une femme ce n'est pas juste avoir vagin-utérus-ovaires à des fins maternisées et des seins. Et heureusement bon sang ! Je me sens, je suis femme de toutes les manières possibles et je crois que je ne suis pas la seule à penser que j'en suis une, de femme...
J'ai
eu des moments où je me suis posée la question. Parfois cela me
traverse encore l'esprit. Je m'éclate lorsque je suis avec les
enfants. Je suis Tata de sang et de cœur d'une flopée de petits (et
grands), marraine aussi. Je suis imbattable sur le changement de
couches, les bibs, les Duplo et les Kapla. J'adore lire des
histoires et mimer les animaux. Les bébés s'endorment assez
facilement dans mes bras et je ne suis pas avare de câlins lorsque
les petits bras se tendent. J'étais là et ai assisté, avant leurs
parents, aux premiers pas de ma nièce ou de mon filleul. J'ai tenu
des mains, ramassé des tonnes de cailloux, de brins d'herbes, de
coquillages. J'ai sauté dans des flaques d'eaux et joué à chat.
J'ai séché des larmes et j'en ai, malgré moi, suscité parfois.
J'ai descendu des pistes vertes en chasse-neige avec des minis
accrochés à mes mains ou à mes genoux. Avec les plus grands, j'ai
des discussions plus sérieuses et je reçois parfois des
confidences. Et tant d'autres choses... Mais être parent n'est pas
un engagement en CDD. C'est un CDI dont on ne démissionne pas , en
général. Donc, non.
Alors
une partie de la société me regarde comme une espèce de
singularité qui ne veut pas se plier aux codes sociétaux
ancestraux. Sans parler des effets inattendus que cela a eu sur ma
vie professionnelle.
Par
exemple, lorsque je travaillais dans MonAssoDavant, il était écrit
dans le règlement intérieur que les parents avec enfants en âge
scolaire étaient prioritaires, en cas de «litige », pour
prendre leurs congés sur les temps de vacances scolaires justement.
Donc plusieurs fois, je me suis fadé des permanences, j'ai du
décaler des dates parce que les collègues « avec enfants »
étaient prioritaires. Ah bah oui quand t'es statutairement
célibataire (= pas mariée ou pacsée ou officiellement en couple)
ET sans enfants.. mais ma pauvre quoi ! Forcément t'as pas de
vie et tu dois assurer les bouses de planning... Le jour où j'ai
ouvert ma grande gueule de celle qui ne sait pas se taire et ai
commencé à interroger ça, on m'a regardé avec des yeux ronds et
en fronçant les sourcils. J'ai même osé prononcer quelque chose
comme « c'est une forme de discrimination »... Que
n'avais-je dit !!! Alors quand j'ai ajouté qu'avoir des enfants
était un choix personnel et non une compétence professionnelle et
qu'autant on nous demandait d'avoir une voiture personnelle mais que
avoir des enfants n'était pas une obligation pour être embauchée à
MonAssoDavant... C'est marrant mais même les plus ouverts et
progressistes de mes collègues (parents eux-même) ont protesté. Ça
n'est pas arrivé souvent en plus de dix ans mais c'était néanmoins
écrit donc institutionnalisé.
Parce
que ne vous en déplaise (je sens que je vais en hérisser
quelques-un-e-s...^^) fonder une famille, élever des enfants, cela
relève du choix personnel (comme de ne pas en avoir d'ailleurs). Et
j'ai assez lu que c'était illégal de demander en entretien
d'embauche si on avait des enfants, si on voulait en avoir, si on
était marié, etc …Et que c'était discriminatoire de tenir
compte de ces critères pour le recrutement.
Donc,
faut être cohérent : si c'est discriminatoire de se baser sur
ces critères pour une embauche, ça l'est tout autant de les
utiliser afin d'avoir des avantages par rapports à d'autres
salariés. Autant, les primes de crèches, jours de congés
supplémentaires, primes de mariage, naissance, passent encore parce
que cela n'avait aucune incidence sur l'exercice des fonctions. Mais
cette histoire de congés... J'ai bien tenté d'expliquer que mes
poissons rouges et mes plantes vertes avaient besoin de mon attention
mais étonnamment ça n'a pas eu l'effet escompté. Et j'avais à
chaque fois une pensée pour cette collègue qui n'avait pas pu avoir
d'enfants alors qu'elle et son mari en voulaient tellement...
Plus
sérieusement, mon compagnon de l'époque avait des enfants donc les
vacances en « famille » ... Ou plus simplement les
vacances avec les amis ayant des enfants en âges scolaires... On
peut être célibataire sans enfants et avoir une vie personnelle
imprégnée malgré tout par les rythmes des enfants, des autres...
Bref,
tout ça pour dire que lorsque j'ai fait le choix de ne pas utiliser
mes ovaires et mon intimité interne à des fonctions reproductives,
je ne pensais pas que cela pouvait avoir ces incidences (et
d'autres...).
Ce
qui m'agace le plus est que je suis souvent taxée d'intolérance vis
à vis des familles lorsque je m'exprime sur le sujet. Genre une
femme dans le style NoKidsWarrior. Ça doit être ça...
Juste...
en quoi ça peut déranger qui que ce soit, expliquez-moi ça
voulez-vous ?!
*
DLUO : Date Limite d'Utilisation Optimale