La
1ere année, ça a quelque chose d’effrayant et d’excitant à
la fois : tu retournes à l’école. Tu achètes des blocs, des
crayons, des surligneurs et même un nouveau cartable dis donc !
Tu te fixes des règles en te disant que cumuler un temps plein et
reprendre des études, ça demande un minimum de discipline.
Et
aussi tu paniques… Parce que les études et moi on n’a jamais été
potes. « Peux mieux faire », j’ai lu et entendu ça
toute ma vie. « oh tu es assez intelligente mais vraiment pas
une intellectuelle ». Et voilà que je signe pour passer une
licence en cours du soir. Je suis folle ! Mélangez le syndrome
« bonne élève » et celui de « l’imposteur »
et vous avez une vague idée de ma panique. Et si mon cerveau était
trop rouillé pour tenir la distance ?
Puis
l’année commence. Des cours le vendredi soir dans des salles
blafardes jusqu’à 21h30/22h ou le samedi matin dans des bâtiments
déserts. Honnêtement, l’initiation au management et la psycho
cognitive, bof mais la psycho sociale et des organisation, ah ouais !
Tu
rencontres des gens sympas voire géniaux. Tu commences à bosser à
plusieurs, à préparer les examens de fin d’UE (Unité
d’Enseignement) ensemble, à rire, à (te faire) rassurer, à (te
faire) encourager. Et tu valides tes matières. Et tu fêtes ça avec
les autres.
La
2eme année, tu t’es coordonnée avec les autres pour être
dans les même créneaux horaires. Des matières chouettes, d’autres
chiantes. Tu prends le rythme. Tu taffes toute la semaine. Tu es en
cours certains soirs et tu bosses le week-end. Tes jours de RTT,
c’est cool tu peux aller à la bibliothèque. Vous êtes quatre à
bosser ensemble et plus. La psycho du développement te gonfle mais
c’est un incontournable.
Les
cours le samedi toute la journée commencent. Et c’est loin. Alors,
on fait voiture commune en faisant tourner les voitures et les
conductrices. Puis c’est rigolo (non, en fait), le week-end ils
coupent le chauffage là où on a cours. Alors à 7h30 quand on
démarre, on emporte des étoles, des mitaines, des thermos de thé
et de café, nos repas du midi plus des douceurs dans des paniers et
on est habillées chaudement. Et on se bouffe 110km aller et 110km
retour pour une journée de cours dans la pampa : on voit les
vaches dans le champ d’à côté depuis la salle de cours. Et là
tu commences à t’immerger dans des matières qui te passionnent,
vraiment. Tu bosses plus et différemment. Et tu engranges tes UE
validées avec avant chaque examen la trouille au ventre, celle
d’échouer. Tu commences à prendre sur tes congés pour travailler
et réviser. Passionnante et éreintante cette année. T’en peux
plus des matins blêmes à gratter le givre après ta semaine de taf
pour aller scribouiller des heures de cours. Mais tu deviens accro au
savoir. Ce que tu apprends te nourrit comme jamais et te fait
grandir. Tu te rends malade avant tes examens. Tu valides haut la
main.
Et
quelque chose commence doucement à changer. Ce que tu apprends
s’insinue en toi et imperceptiblement fait évoluer ton regard sur
l’organisation du travail où tu bosses et sur ton rapport au
travail. C’est aussi l’année où tu deviens secrétaire du
CHSCT et que tout s'emballe.
La
3eme année, Tu es le nez dans le guidon :
boulot à temps plein, études et CHSCT… Tu imploses en plein vol, burn-out. Tu démissionnes, tu déménages, tu valides tes UE.
Heureusement tu en avais moins cette année. Les amies ne te lâchent
pas. Nos vies ont évoluées donc on n’a pas forcément tous nos
cours ensemble mais quand on peut, on bosse à plusieurs. Qu’est-ce
qu’on a bu comme verres, bouffé comme Nougattis et tablettes de
chocolat cette année là ! Tu es épuisée et tu as perdu 9kg.
Et pourtant en ce mois de juin, tu sais déjà que l’année
prochaine tu prendras au moins une matière pour ne pas lâcher.
Cette licence, tu la veux !
La
4eme année, tu bosses à l’usine et vraiment t’as pas
le cœur à étudier. T’as pris Sociologie, en enseignement à
distance. À 15 jours de l’examen, tu télécharges les cours et tu
les lis. Heureusement, tu y as droit pendant l’écrit. Tu y vas par
fierté et non par envie. Et là tu te dis que l’Univers est
sympa : sujet sur l’égalité femmes – hommes dans le milieu
pro et perso, jolis tableaux statistiques à l’appui. Tu balances
tes tripes, tout ce que tu as lu (car le sujet t’intéresse depuis
longtemps) remonte à la surface, deux trois concepts (l’Habitus de
Bourdieu est une valeur sure) et tu rends 8 pages torchées en moins
de 2h. Une de tes meilleures notes depuis le début de ta formation !
C’est
aussi l’année où tu rencontres Pôle Emploi, ses méandres et ta conseillère qui te dis « ben, vous devriez aller au bout du
cursus ». Et puis se faire accepter chez les Gnous à Paris aussi. Si vous lisez le blog, depuis ses débuts, ça doit
vous rappeler vaguement quelque chose…
La
5eme année, ça se corse : tu vas à Paris
étudier dans le temple des Gnous. Et là, tu changes de braquet et
ta vie se complique. Tu commences les trajets en TGV Bretagne < -
>Paris en traînant ta valise (Parce que vous croyez que #jaimeletrain sort de la cuisse de Jupiter?!!) . Les cours sont plus ardus, plus
conceptuels. Tu entres dans le dur. Les formateurs et les autres
élèves sont plus élitistes et intellos. Tu ne sais pas si tu
pourras tenir. Tu n’es tellement pas à la hauteur.
Tu
rencontres des personnes chouettes qui deviennent des amis. Et puis
tu rencontre l’Amour. Tu ne t’y attendais pas vraiment dis donc !
Une
UE validée et l’autre travail non rendu : j’avais tellement
rien appris que je ne voyais pas l’intérêt de valider pour
valider. J’étais là pour apprendre après tout. Si je n’avais
pas validé l’autre ; j’arrêtais tout.
La
6eme année, l’année des choix personnels. Tu
renonces à ta Bretagne pour construire une vie à deux. Sauf qu’elle
est transalpine ta vie et que tes cours sont à Paris. Alors c’est
le train, encore et toujours quasiment toutes les semaines, la valise
greffée au bras. Les cours sont passionnants mais exigeants. Tu
retournes au bord de la mer quand tu peux et tu as le mal du pays du
bout de la terre. Mais tu aimes aussi, alors… Et ça, c’est beau.
Tu
bosses tes travaux de fin d’année en bouffant du chocolat et du
fromage. Tu stresses à mort de ne pas réussir et passes des heures
sur Skype avec tes collègues de formation. Tu prends 15kg. Tu
valides tes UE, plutôt bien d’ailleurs.
La
7eme année… Celle-là, tu la fais parce que ça
serait trop con d’être arrivée jusque là et de lâcher
maintenant. En terme psycho, ça s’appelle l’escalade
d’engagement : vu tout le chemin parcouru, autant aller au
bout maintenant.
C’est
l’année où tu retrouves une copine de formation de 6eme année,
avec qui tu feras notre intervention terrain en EHPAD. Une claque
dans la tronche sur la réalité d’une maison de retraite privée,
sur le travail et les conditions de travail des ASH et sur ce qu’est
une intervention en tant que psychologue du travail. Ce n’est qu’en
juillet, quand tu termines, que tu sens que tu pourrais bien servir à
quelque chose quand tu seras diplômée. Le travail que tu as à
rendre est une torture à écrire et tu doutes jusqu’au dernier
mot. Tes formateurs vous félicitent toi et ta binôme de votre
intervention et du travail rendu.
Ton
sujet de mémoire est validé par le jury du probatoire. C’est
plutôt pas mal en fait. Tu étais tellement persuadée d’être
retoquée.
Tu
as continué tes trajets en TGV en traînant ta valise de plus en
plus lourde de bouquins et cours divers.
La
8eme année, ne pas lâcher, celle des derniers
cours, du dernier examen et de ce que tu avais prévu d’être le
rendu et la soutenance du mémoire… Ouais sauf que non. Tu valides
ta dernière matière mais pour le mémoire ça se complique. Tu t’en
rends malade à en vomir et à en pleurer. Tu finis par prendre la
décision de décaler de 6 mois et ça n’a pas été simple à
décider et à annoncer. Tu te sens nulle et en dessous de tout, pas
à la hauteur. Tu as l’impression de décevoir tout le monde et en
particulier celui avec qui tu vis.
Vous
êtes rentrés en France et c’est pas simple.
La
9ème année… Tu n’en peux plus de ton putain de
mémoire. Mais alors vraiment plus. Tu serais digne de figurer dans
un épisode des Walking Dead au moment du rendu tellement tu es
décalquée. Puis la soutenance, l’angoisse de tout planter, que
ton mémoire soit nul. Et tu en ressors diplômée. Avec mention en
plus ! C’est fini...
Cela
m’aura donc pris quasiment 9 ans, neuf longues années. C’est
toute une vie et c’est rien. En neuf ans, j’ai démissionné de
mon boulot d’éducatrice spécialisée, changé de vie, bossé à
l’usine, rencontré l’Amour, vécu à l’étranger, rencontré
plein de personnes formidables, je me suis fait des amis, en ai perdu, ai déménagé un nombre de fois assez
dingue, pris le train tout le temps, validé une licence puis un
titre professionnel niveau Bac + 5, déménagé à nouveau, perdu
l’Amour. J’ai ri, pleuré, aimé, crié, été découragée,
enragée, obstinée puis récompensée.
Je
ne regrette rien de tout ce que j’ai vécu, absolument rien. Je
n’imaginais pas une seule minute ce qui m’attendait (et heureusement) lorsque j’ai
repris mes études. J’ai eu la chance d’être entourée, portée
et soutenue par plein de monde. Je n’y serais pas arrivée sinon.
Et ça a été si dur parfois. Mais tellement génial aussi !
Et
j’ai appris deux choses fondamentales : je suis capable et je
suis persévérante. Je ne dis pas que les doutes et le sentiment
d’imposture ont complètements disparus mais j’ai réussi quelque
chose que je me pensais incapable de faire, alors ça remonte
l’estime !
Pour
le reste, j’ai repris le chemin de mon village pas loin de la mer.
Dernier changement de vie avant longtemps. J’ai besoin de routine
pendant quelques temps…
Wow beaucoup d'émotions en lisant tes mots ! Tu es une fille formidable et tu mérites un doux repos dans ta jolie maison ^_^
RépondreSupprimerWonder Gnouman !!!!!
RépondreSupprimerJ'ai un peu suivi ton parcours via twitter. Je sentais bien que c'était dur mais tu as vraiment toute mon admiration après que j'ai lu ces lignes. Bravo !
RépondreSupprimerBonne route pour la suite (bretonne) !
Tu peux être fière de toi, je te souhaite de trouver un boulot pas trop loin de ton Pétaouchnoc'h et de voir grandir Albert. Bises nordistes
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