C'est
l'histoire d'une amitié. C'est l'histoire de la naissance d'une BD.
C'est une belle histoire…
Lorsque
j'ai rencontré mon amie, tout ce que je savais de son compagnon est
qu'il était scénariste.
Lorsque
je l'ai rencontré lui, il était sur un projet BD important qu'il se
préparait à présenter à des éditeurs, avec son co-auteur. Il a
eu, entre autre, l'idée de la première histoire, son co-auteur a
apporté l'idée d'étendre à un concept plus complexe. Ils ont
décidé d'écrire à deux.
Neuf
arts, neufs histoires, neuf époques et contextes différents, une
seule vie. Je l'ai écouté me raconter l'idée générale puis
chaque tome. Je me suis demandée comment une telle idée avait
trouvé naissance et comment elle avait pu se déployer pour prendre
une telle ampleur. J'ai trouvé le concept fabuleux et chaque
histoire géniale.
Puis
il y a eu la nouvelle de la signature avec un éditeur pour les neuf
tomes. Quelle joie ! D'histoires qui m'avaient été racontées
mais qui n'avaient rien de tangible, cela prenait corps, elles
allaient prendre vie.
Les
mois, les années se sont écoulés. Moi qui n'y connaissait rien à
la BD et au monde de l'édition, j'ai appris que c'était bien moins
simple qu'il n'y paraissait. J'ai suivi, pas à pas, et découvert
le processus de la naissance d'une BD.
Écrire
un scénario de BD et le signer chez un éditeur n'est que la partie
émergée de l'iceberg. Une fois le pitch vendu, il faut écrire le
scénario dans son intégralité, être cohérent dans l'histoire, la
psychologie des personnages, ne pas faire d'anachronismes historiques
et cela neuf fois. Combien de recherches documentaires, d'écriture
de versions de chaque scénario amendé, corrigé et affûté un
nombre de fois incalculable ! Des centaines de blocs, de
stylos, des milliers de mails, d'innombrables heures d'écriture.
Il
y a ensuite l'entrée en lice des dessinateurs, des lettreurs (qui
mettent les textes dans les bulles), des coloristes (qui mettent les
planches en couleur). Ce sont de constants allers-retours,
discussions et arbitrages qui se mettent en place avec chacun, avec
l'éditeur.
Les
deux premiers tomes ne sont pas encore sortis, que les auteurs
travaillent déjà sur les suivants.
J'ai
eu le plaisir de voir les premières planches. Cela a quelque chose
de magique de voir se matérialiser une idée. Je sais aujourd'hui la
somme de travail que cela demande, les questionnements, les doutes,
les coups de bourre, les nuits et journées passées à travailler
sans relâche, la fatigue, le stress. Il y a également l'émotion et
les bonheurs lorsque cela prend forme. La création n'est pas chose
facile. Une idée a beau être géniale, elle n'en demande pas moins
un travail colossal. C'est de la joie, de la douleur, de la
souffrance, de la colère, du découragement, de l'euphorie et plus
encore.
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Lorsque
mon amie m'a dit il y a plusieurs semaines que « Planches de
sang » était sorti des presses, mes yeux se sont mouillés.
Il
y a quelque jours, je l'ai eu entre les mains. Enfin, il existait !!
C'était écrit sur la couverture : de Marc Omeyer et Olivier
Berlion.
Je l'ai dévoré une première fois à la recherche de ce
que je savais de l'histoire. En lisant, j'entendais Marc me raconter
le scénario lorsqu'il n'était encore qu'une ébauche. Je nous
revoyais sur la terrasse avec nos cafés le matin et qu'il me parlait
de Rudi. Je le revoyais, après une nuit de travail, fatigué à
l’extrême mais content (ou non) de ce qu'il avait produit.
J'entendais mon amie me tenir au courant de l'avancement de
l'écriture et de la parution.
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Je
l'ai relu, cette fois en prenant mon temps, en me plongeant dans
l'intrigue et en regardant mieux les dessins. J'ai adoré ! Je
suis peut-être partiale mais je ne suis pas complaisante. Je ne
pourrais pas regarder Marc dans les yeux et lui dire que j'ai aimé
si cela n'était pas le cas : il verrait bien que je pipote de
toute façon. Nous sommes amis après tout.
J'ai
eu ce privilège magnifique de vivre de près ce qu'est la naissance
d'une BD, de neuf en fait. Mais j'ai aussi découvert qu'il est fort
difficile de vivre de son art. Que le monde de l'édition n'est pas
un univers d'enfants de chœur. Que la réalité économique peut
facilement prendre le pas sur l'artistique. Qu'il faut batailler pour
défendre ses idées et ses points de vue sur sa création. Qu'il
faut être diplomate pour préserver les egos et susceptibilités de
chacun. Qu'il faut être solide et croire en son projet jusqu'au cœur
de son ADN. Qu'il faut avoir la foi chevillée au corps !
Aujourd'hui,
6 avril 2016, « Planches de sang » prend son envol : il trouve sa
place sur les étagères des libraires. Ce premier tome (bientôt
rejoint par le second « Le paradis de la terreur » )
échappe à ses auteurs pour vivre sa vie de BD. C'est un beau jour
pour l'Art du crime, c'est un grand jour pour Marc et Olivier. Et de
ma place, je ne doute pas un seul instant que le destin de cette BD
et des huit suivantes va être magnifique.
C'est
une si belle histoire…
Pour
clore ce billet, j'ai demandé à Marc Omeyer, s'il voulait bien
répondre à trois petites questions et il a accepté. Merci à lui.
S.F. : Pourquoi
(écrire, du scénario) ?
M.O. : Tu
vois toi-même dans ton billet tu as spontanément écrit un
scénario : une séquence de temps complète, des personnages
avec un objectif, tu as même créé une empathie sur eux par ton
amitié...et puis des hauts des bas, le moment ultime et la
résolution. Disons que parti d'une écriture spontanément poétique,
volontairement non structurée, impulsive et libre, j'ai réalisé
que toute expérience humaine est toujours vécue et racontée sous
la forme d'une histoire. Ça a été un déclic majeur. Du coup j'ai
voulu m'immerger dans une sorte d'étude au long cours, qui a duré
très longtemps à vrai dire, pour en comprendre les ressorts, les
logiques internes. C'est devenu vertigineux...Je crois que durant des
années je n'ai pas tant écrit pour raconter, que pour comprendre
comment raconter...
S.F. : Comment
(en es-tu arrivé à l'Art du Crime) ?
M.O. : En
janvier 2012 je me désespérais un peu de vivre de cette passion.
J'avais écrit beaucoup de nouvelles, de scripts cinéma sans
vraiment être pleinement satisfait du résultat. J'ai un esprit qui
recherche toujours la complexité, et faire simple a souvent voulu
dire pour moi, réduire voire mutiler. Alors par contre-pied je me
suis dit : ok je vais partir du plus simple et m'y tenir. Là
est née l'idée qu'un personnage trouve un livre et que le lecteur
ou le spectateur vive ce moment comme un immense aboutissement, un
wow total...Sur cette base, j'ai commencé à imaginer des pages
manquantes. J'avais la fin d'une histoire à propos d'un livre sans
fin...en quelques jours les personnages se sont invités dans ma
rêverie : Nora, Rudi, Snail. Ils étaient là, mais encore très
loin de leur caractérisation définitive, que nous avons aboutie
ensemble avec Olivier. Nous avons recentré l'histoire sur une
enquête policière, des éléments concrets, une progression
soigneusement orchestrée des révélations, une mise en musique des
émotions, de ce que chaque personnage ressentait. D'innombrables
sessions avec Olivier pour peaufiner le récit, aller plus loin. Au
fond ce que nous avons écrit ensemble c'est un scénario de film
complet, raconté en 46 pages, grâce à toute la puissance et la
magie de la BD. Et puis, et c'est là que nous avons tous les deux
été emportés, c'est à ce moment que Rudi s'est pleinement révélé
à nous, dans toute sa dimension. Une expérience que nous avons vécu
comme des gamins ivres de bonheur : nous cherchions une pépite
et nous avions trouvé une mine d'or !
S.F. : Quel
effet cela t'a fait d'avoir le 1er album entre les mains ?
M.O. : Ce
premier album venait clore une boucle de plus de trois ans.
Impossible de dire ce que j'ai ressenti. Je peux te dire que j'ai
pleuré, tout simplement. Beaucoup pleuré. Non pas tant pour moi,
l'auteur, au sens d'un aboutissement. C'était devenu accessoire.
Non, j'ai pleuré en lisant et relisant ce premier album, parce que
les personnages étaient vivants, libres. Et ça voulait dire
qu'Olivier et moi nous étions allés au bout de nous et de notre
travail.
Au
fond tu vois, j'ai voulu écrire un moment où le personnage trouve
un livre et le lecteur fait wow.
Et
ce moment je l'ai vécu quatre ans après l'avoir imaginé. J'étais
le personnage et j'étais le lecteur.
Tu
vois, tout est scénario...
embrasse ton amie de ma part, félicite son chéri C'est une belle histoire lorsque le talent finit par être reconnu et parfois dans notre société si bête et si matérialiste, ce n'est pas toujours le cas
RépondreSupprimerJe vais transmettre :-)
SupprimerOui, je suis d'accord avec toi, heureusement que la bêtise et le matérialisme ne priment pas toujours...
Des bises :-)