Je ne sais pas pourquoi, ce soir
j’écoute Barbara. Ou plutôt si. Parfois je m’autorise à la
laisser sortir. De préférence la nuit et quand je sais que je n’ai
rien de prévu le lendemain car la nuit va être rude. Ma compagne
roulée en boule bien serrée au fond de moi : la tristesse.
Mélancolie,
chagrin, souvenirs, déprime, douleur, peine… On y met les mots que
l’on veut. Pour moi, c’est tristesse.
Je
vois presque les personnes qui me connaissent s’étonner. Comment
ça la tristesse ?! Tu es à l’opposé de la tristesse enfin !
« Comment tu vas ? » ... Je ne me vois pas répondre
« je suis triste aujourd’hui », c’est encombrant la
tristesse. Pour soi et pour les autres. Qu’est-ce que vous voulez
en faire ? Alors, je ne vois que le reste, la plupart du temps :
le beau, le bon, le drôle, l’agaçant, l’enthousiasmant. Bref,
tout ce qui fait la vie !
Sauf
que vous voyez, la tristesse est une compagne constante, un morceau
de moi. J’imagine que c’est le lot des personnes qui ressentent
fort et intensément la vie : plus fort dans la joie mais aussi
plus fort dans les cassures. Plus fort dans l’amour et plus fort
dans la peine. Plus fort dans les émotions. Plus fort et, en ce qui
me concerne, le plus contenu possible. Chacun-e fait au mieux.
Elle
se fait toute petite et lorsque je l’oublie trop longtemps, elle se
rappelle brutalement à mon souvenir et frappe à la surface. Pour
reprendre les mots de Barbara :
« Je
l'ai trouvée devant ma porte,
Un
soir, que je rentrais chez moi.
Partout, elle me fait escorte.
Elle
est revenue, elle est là,
La
renifleuse des amours mortes.
Elle
m'a suivie, pas à pas.
La
garce, que le Diable l'emporte !
Elle
est revenue, elle est là »
Oui,
c’est presque ça (Je sais la chanson de Barbara est « la
solitude ». Pour autant, substituez-y « tristesse »
et ça le fait tout autant…). Elle n’empêche pas le bonheur.
Elle colore juste ma vie, comme un arrière plan plus ou moins
intense.
J’ai
essayé de la combattre mais cela n’a pas été très concluant.
Alors j’ai décidé de l’ignorer, la plupart du temps. Et lorsque
je ne peux plus (l’ignorer) alors je la regarde bien en face. On
s’affronte, on se reconnaît puis on fait la paix. Alors, je la
refoule jusqu’à qu’elle ne soit plus qu’un vague bruissement
ou une vibration comme une basse fréquence. Et puis je continue et
je vis, aussi pleinement que possible. Je ris,
j’avance, je construis, je fais des choix, j’apprends les
renoncements mais aussi les découvertes. J’ose, j’ai peur, je
recule ou je fonce dans le tas. Je ressens fort et j’ai du bonheur.
C’est
juste comme ça, mon bonheur et ma tristesse dansent le tango depuis
si longtemps que je crois qu’ils ont toujours dansé ensemble.
Quels qu'aient été mes moments de vie, seule ou à deux, elle a
toujours été là. M’encourageant à rire plus, à vivre beaucoup
et à déguster chaque moment. Cela n’empêche pas la joie de
vivre…
Je
ne sais pas si elle partira un jour. Je ne vais pas chercher
d’ailleurs à la faire déménager. Nous nous sommes apprivoisées.
Peut-être qu’elle me permet de mieux comprendre les douleurs des
autres. Peut-être me rend-elle plus compréhensive. Mais peut-être
me conduit-elle aussi être brutale et tranchée parfois, pour ne pas
lui laisser trop de place.
« Je
cherche des mots adéquats pour construire des espaces de silence »
a écrit Anise Koltz (dans Galaxies intérieures). Je cherche encore…
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