Depuis
ce matin, j’ai l’impression d’être schizophrène dans ma tête.
D’un côté ma peur et le sentiment de m’être réveillée dans
un monde pré-apocalyptique me font angoisser, fulminer et traiter de
crétins dégénérés de fin de race les électeurs du mec à la
touffe orange (je n’arrive pas à écrire son nom).
De
l’autre, je me dis que des personnes, beaucoup, ont voté en
conscience pour cet homme ; que cela va arriver en France aussi
avec les élections en mai 2017 et j’ai besoin de comprendre,
vraiment.
Comprendre.
Verbe à racine latine cum « avec » et prehendere
« prendre, saisir » : Avoir, élaborer, recevoir
dans son esprit la représentation nette d'une chose, d'une personne.
Saisir intellectuellement le rapport de signification qui existe
entre tel signe et la chose signifiée, notamment au niveau du
discours (source : CNRTL).
Seulement
voilà, pour comprendre il y a besoin d’écouter ce que dit la
personne qui s’exprime. Écouter ne voulant pas dire « pendant
que tu parles je cherche les arguments pour te prouver que tu as tort
et en fait je n’écoute pas ce que tu dis et en fait je m’en
fous ».
Écouter
pour comprendre. Écouter pour saisir ce qui fonde un discours.
Écouter pour entendre.
Écouter
ne veut pas dire être d’accord, cautionner, accepter, valider,
acquiescer, admettre, souscrire, excuser, embrasser. Non, cela veut
« juste » dire prendre le temps et la peine d’entendre
les propos de la personne qui s’exprime. Pour saisir quelle est sa
logique et quelle est sa représentation du monde. Pour saisir ce sur
quoi elle fonde ce qu’elle dit.
Je
ne parle pas des professionnels du discours et des personnes
politiques là. Je parle des citoyens/personnes ordinaires comme vous
et moi, les gens de tous les jours quoi et hors caméra ou questions
de journalistes.
Sauf
que pour faire ça, écouter pour comprendre, il y a nécessité de
prendre du temps, de laisser chacun-e dérouler sa pensée et son
propos et d’être en capacité d’entendre des choses qui peuvent
heurter les valeurs personnelles. Qui (moi la première parfois
hein!) n’a jamais, en entendant telle ou telle personne dans son
entourage avoir des opinions d’extrême droite, réagit en disant
« connard/crétin/idiot/qu’il-elle ferme sa gueule/etc... » ?
Et après ?
Le
racisme, la xénophobie, le sexisme, l’homophobie et toutes les
« humainsphobies » et « différencesphobies »
sont à combattre. Qu’est-ce qui les fonde ? Sérieusement, je
veux dire : qu’est-ce qui fonde/ancre de telles croyances chez
des personnes ? Non parce que une fois dépassé le
« connard/crétin/idiot/qu’il-elle ferme sa gueule/etc... »,
comment comprendre que des êtres humains aujourd’hui appuient leur
vision du monde sur ces croyances/peurs/rejets/toutphobies ?
Juste
dire « c’est pas bien bouh et c’est inacceptable » va
pas bien faire avancer le schmilblik, de mon point de vue. Si j’avais
une analogie (qui va vous faire hurler) : un enfant/une personne
fait un cauchemar et se réveille envahit de trouille et vous
répondez « mais non, c’est rien, nawak, t’es con, rendors
toi »… Pas sûre que cela va aider et déconstruire la peur.
Aujourd’hui,
on en est arrivé à « alors connard, expliquez-nous pourquoi
vous votez extrême droite, crétin ». Je crois que cela a
tendance à défensivement figer les personnes dans leur discours et
à augmenter l’aspect outrancier des propos (mais cela n’est que
mon point de vue).
C’est
facile de « refaire le monde » et discuter politique avec
des personnes qui sont des mêmes tendances politiques que nous. Ça
l’est beaucoup moins de le faire avec des personnes de points de
vue radicalement différents voire choquants, sans arriver dans les
30 secondes au Point Godwin.
Je
suis la première, dans certaines discussions un peu animées voire
passionnées, à réagir fortement et dire que telle personne se
plante, que c’est nul de penser ça etc. Sauf qu’au bout du
compte, je n’ai pas perçu ce qui fondait les propos de la personne
et chacun est resté planté sur ses positions sans avoir compris.
Il
m’est aussi arrivé d’avoir des discussions avec des personnes
votant extrême droite, d’arriver à les écouter vraiment et de
comprendre certaines choses. Cela ne veut pas dire que j’étais
d’accord, juste que j’avais certaines clefs pour comprendre leur
perception du monde. Et j’y trouvais beaucoup de peurs, de
difficultés sociales/économiques, de colère de promesses
politiques non tenues, de décisions arbitraires, de difficultés
dans la vie quotidienne, de sentiment d’injustice, de jugements de
valeur contre eux. J’y trouvais aussi, pour certain-e-s, une pensée
peu élaborée, la séduction de discours politiques qui résonnaient
pour partie… Chaque personne est différente donc c’est
impossible de généraliser (et ça serait une erreur de le faire).
Pour autant, je continue à ne pas être d'accord avec leurs prises
de positions.
Une
chose est sure, si nous continuons à pointer du doigts et à
insulter les voteurs de l’extrême droite (certains d’extrême
gauche ne sont pas mieux d’ailleurs) sans chercher à comprendre
comment on en est arrivé là, cela ne fera que rigidifier davantage
les positions.
J’entends
depuis un moment déjà et encore plus depuis ce matin : la
responsabilité des politiques, la responsabilité des médias, la
responsabilité de l’ultra libéralisation… Et nous ?
N’avons-nous pas une part de responsabilité aussi ? Nous
aussi nous pouvons être caricaturaux « ça me gonfle, je vais
pas écouter ces conneries, DTC, ferme la »… Oui, c’est
tentant. Ce que beaucoup vivent en ce moment va de « pas
toujours évident » à « franchement galère ». Et
cela ne laisse pas beaucoup d’énergie, de disponibilité, d’envie
pour de longues discussions.
Vous
voyez, là je vous balance mes idées un peu en vrac et à chaud.
J’ai l’impression d’être pétrifiée tout en ayant une épée
de Damoclès au dessus de ma tête. Je ne sais pas quoi faire. Je
peux juste déverser mes idées en espérant que cela m’aidera à
construire du sens.
quoi qu'il advienne , on ira cultiver notre jardin ... et notre jardin nous «cultivera» aussi. Voltaire et son "candide" sont la réponse à toute interrogation !
RépondreSupprimerBisous doux AC