vendredi 25 octobre 2013

Brève - Colère

Colère. Celle qui déferle sans barrières et que je parviens à retenir avec peine. Elle est chatoyante dans sa noirceur. Moirée dans ses replis sombres. Elle est ma part d'ombre enfouie loin et confinée comme en cellule d'isolement. Surtout ne jamais la laisser être libre tant elle est effrayante, tant elle m'effraye. Je sais ce qu'elle me fait. Je sais ce que je peux devenir si je la laisse s'échapper. Méchante. Violente. Mauvaise. Froidement et sans aucun état-d'âme. Elle peut me paraitre attirante parfois et me chante une mélodie à laquelle il pourrait être si facile de succomber. Cette part-là de moi, je la refuse. Alors j'ai appris à la contenir, à la brider, à la transformer. Je peste, je bouillonne, je rage, je grogne, je râle, je trépigne, je maudis, je serre les dents. Je marche, je nettoie, je cuisine, j'écris, je photographie, je respire. Je résiste. Je m'arc-boute à cette porte et je m'oppose à ce qui y cogne. Je sais que si elle venait à s'évader, je volerais en éclat comme cette tasse sur le carrelage, perdant, par la même occasion, les bouts de moi qui me font être qui je suis aujourd'hui. C'est séduisant la colère et c'est toxique. Y céder ne ferait qu'empirer la spirale. Colère – blessure – peine – culpabilité. Sans fin. 


8 commentaires:

  1. Qu'elle soit sourde, saine, noire, comme la marée elle monte, puis se retire ne laissant de son passage que quelques ondulations dans le sable de notre âme, là où les mots les plus forts ont été tracés le plus profondément...
    L'endiguer peut-être salutaire mais si l'on laisse s'éroder la digue, gare au jour où cette dernière sautera car l'eau aura tôt fait de rester ne pouvant plus se retirer librement...

    On est là... tout va bien

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    1. Bonjour Gregatort (et Frayer)

      Votre métaphore sur la "colère-marée" est très belle pour ne pas dire magnifique!
      Pouvez-vous expliciter la suite si la "digue" rompt? Vous sous-entendez qu'il arrive "un raz de marée" de colère, sans calme ensuite? faut-il reconstruire la digue? Est-ce possible? Combien cela prend-il de temps?

      Ces questions ci-dessus sont aussi adressées à Frayer dont j'ai trouvé le texte sur la colère très beau.

      Frayer, vous écrivez "C'est séduisant la colère et c'est toxique". Pouvez-vous développer ce que veut dire cette phrase pour vous? Vous voulez par exemple dire un peu de ce que Marc-Aurèle disait: "les conséquences de la colère sont pires que ses causes"?
      Faut-il tout garder en soi? mais dans ce cas Grégatort parle d'une érosion de la digue...
      L'idéal n'est-il pas une colère calme? ainsi la mer érode moins si elle arrive sur la digue avec moins de force...
      Merci à tous deux pour la profondeur de vos écrits

      Une nouvelle lectrice
      L............

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    2. Bonjour L. (ne vous ai-je pas déjà vu commenté sur les billets du blog "Rien à redire" ?)

      Explicitons, voulez vous !

      Regardons une côte. Cette côte s'étire sur des kilomètres de sable fin séparant l'océan tumultueux quand le vent d'Ouest se lève d'une route départementale que borde un petit village de 600 ou 700 habitants. La plage du côté de la route se termine par une dune abrupte face à la mer et en pente douce jusqu'à la route.
      Par gros temps mais petit coefficient de marée, la dune est suffisante pour barrer le chemin aux flots dévastateurs... Enfin.. je devrais dire était suffisante car le village a déjà vu disparaître une ou deux maisons... C'est pour cela qu'au siècle dernier les habitants du hameau avaient fait monter une digue, haute et impressionnant. De fait, ils ne voyaient plus l'océan, à moins bien sûr d'escalader la digue et d'admirer les diverses courses du soleil et son reflet dans les vagues... Ainsi, leur attention s'endormi.... car du haut de a digue, il ne regardait jamais ailleurs que vers le large... et jamais au pied de la pente descendant vers la dune... Oh il y eut bien quelques aménagements pour réparer la route menant à la plage mais c'est tout... Jusqu'à cette fameuse nuit de novembre, lors de la marée centennale où la partie de la digue au nord du village s'envola dans le ciel zébré d'éclairs, sous les coups de butoir de vagues impressionnantes. La masse d'eau gigantesque, charriant des débris de la digue se répandit dans le village, emportant tout sur son passage. Au petit matin, une fois l'orage terminé, les secours observant les ruines de ce qui fût un des plus jolis villages du littoral constatèrent que l'eau n'avait pas pu se retirer une fois la tempête terminer et que les terres jusqu'à 3 km de la plage étaient encore noyées sous des hectolitres d'eaux salées abîmant les sols pour une longue période....
      Si dans cette histoire, l'océan est une colère que l'on a appris endiguer avec patience, avec pardon à soi-même, alors il faut être vigilant de prendre soin de sa digue intérieure car, comme l'océan, la colère n'est pas maîtrisable et ne se qualifie qu'une fois qu'elle est passée. Elle est, tout au plus gérable... Si l'on y prend garde et que l'on laisse les flots se déverser du mauvais côté de la digue, une fois évaporée, la colère risque de laisser derrière elle une âme desséchée par le sel de l'amertume...
      Je ne sais pas si j'ai bien répondu mais il est certain que je viens d'entretenir ma digue

      Merci pour votre commentaire

      Greg

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    3. Bonsoir Greg

      Oui, c'est bien moi qui ait déposé des commentaires sur le blog de "rien à redire" et "plume chocolat" aussi.
      J'en ai déposé entres autres récemment sur le très beau texte "l'attente" de "rien à redire". Je ne manquerai pas d'aller aussi découvrir votre blog, j'aime bien vos métaphores...

      Concernant votre belle métaphore sur la colère, je vous remercie sur cette explicitation que j'ai beaucoup apprécié de lire.
      J'ai mieux compris en effet pourquoi l'eau ne se retire pas toujours... et les traces que cela laisse.

      Comment suggérez-vous de prendre soin de sa « digue intérieure »?

      Oui, la colère n'est pas maitrisable. Face à quelqu'un en colère, suggérez-vous de rester calme? Une personne calme, elle, se maitrise...cela ne déstabilise-t-il pas la personne en colère? Est-ce donc une force? Ou cela peut-il être perçu comme une faiblesse?

      Qu'entendez-vous par "la colère ne se qualifie qu'une fois qu'elle est passée"? Le verbe "qualifier" a quel sens dans votre phrase?

      C'est très beau votre phrase sur l'âme desséchée par le sel et l'amertume...

      Moi qui aime les métaphores, je suis servie avec vous! Merci beaucoup!

      En quoi avez-vous "entretenu votre digue" via ce commentaire, comme vous l'écrivez à la fin de votre réponse?

      Je vous remercie pour votre longue et intéressante réponse et j'irai voir votre blog! Je suppose que vous répondez aux commentaires sur votre blog…en tous cas je l’espère !

      A bientôt de vous lire

      Une lectrice
      L...............

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    4. Bonsoir L.

      Je pense que chacun connait ses digues et doit découvrir la meilleure manière de voir si elle lui est utile et surtout quel soin lui apporter.
      Il serait prétentieux de ma part et surtout assurément inexact que tenter d'explicité ici une méthode universelle de renforcement de sa ou ses digues intérieures. J'aime l'idée de donner un point de départ à une réflexion personnelle et me garde bien de conclure pour autrui :-)
      Si je devais tout de même donner une piste, je pense que commencer par développer son sens de l'écoute, l'écoute de soi et des autres, est un bon début.

      Il me semble que dans les rapports humains, si l'on doit reconnaitre dans un échange ce qui ressemblerait un rapport de force, alors je dirais certainement que celui qui cède à la colère, qu'il ait raison sur le fond ou non, se disqualifie dans ce rapport de force. Quant au calme, à celui qui réussit à ne pas céder à la colère d'autrui, peut lui importe de la façon dont il sera perçu, il ne gagne la joute que pour lui même, le colérique n'écoutant que son feu intérieur..

      La qualification la colère renvoie à l'adjectif qu'on lui accole, tout simplement :-) (sourde, saine, noire etc...)

      Dans l'exercice qui consiste à vous répondre, je conscientise toujours un peu plus les portées possibles de la métaphore et aussi les barrières que je dresse entre mes colères et mon expression... consolidant donc mes digues

      Voilà j'espère avoir apporté quelques éléments

      Bien à vous

      Greg

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    5. Bonjour Greg

      Merci pour votre réponse

      J'ai particulièrement apprécié votre passage suivant "...je dirais certainement que celui qui cède à la colère, qu'il ait raison sur le fond ou non, se disqualifie dans ce rapport de force. Quant au calme, à celui qui réussit à ne pas céder à la colère d'autrui, peut lui importe de la façon dont il sera perçu, il ne gagne la joute que pour lui même, le colérique n'écoutant que son feu intérieur.."

      Votre "gagner la joute pour lui-même" fait réfléchir...et finalement le "calme "est un "gagnant" pour lui-même...sur le moment il ne s'en rend pas forcément compte, dans l'effort de garder son calme face au colérique. Et parfois l'on croit que c'est celui qui fait le plus de bruit, de remous, le colérique, qui "gagne"...

      Le "colérique" se rend-t-il compte de la force du calme et réalise-t-il qu'il a "perdu" pour lui-même voire pour les deux?

      Vous écrivez de belles métaphores, encore merci

      Une lectrice
      L.............

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  2. la colère... on aimerait ne pas l'éprouver, on s'en passerait parfois elle est là même chez ceux qui semblent les plus doux. L'écrire permet parfois de l'évacuer

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  3. Je crois énormément aux vertus de la colère surtout chez les femmes. Des défenseurs de cette pensée notamment Léona Deschamps pensent - je cite - que "les bonnes dispositions de la colère se manifestent chez les femmes comme une bienfaisante sentinelle engendreuse d’introspection vers la vérité de leur être au féminin. La beauté de la colère des femmes ont fait naître de vitalité neuve pour l'humanité."
    Quelque soit sa forme ou même sa fréquence, il y a des vertus de la colère : bienfaisante sentinelle, moteur d'engagement, propulsion vers la créativité ou encore dynamique explosive de la transgression ... pour ne citer que celles-là...
    La colère prend toujours une forme qui dans l'instant, dans l'immédiateté de son expression dérange,agace ou rebute MAIS si l'on prend le temps d'écouter le fond de la colère alors on peut énormément apprendre sur les uns et les autres. Bien plus que sans les phases de colères.

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