mercredi 13 juin 2012

Pol, l'eau salée et les escargots


Lorsque l'on est, comme moi, dans des errements professionnels, arrive immanquablement l'étape indispensable de l'inscription à Pôle Emploi.

Il faut un certain nombre de papiers, remplir un dossier, décrocher un rendez-vous et au final intégrer le dispositif.
Je savais qu'il y avait des délais donc, me croyant fort maligne, j'appelle LE numéro à quatre chiffre connu de tous, environ deux semaines avant la fin de mon contrat. Autant me faire envoyer un dossier à l'avance, histoire de le compléter, rassembler les papiers et n'avoir plus qu'à aller le déposer... J'ai été inscrite à l'ANPE il y a largement plus d'une décennie et je me dis qu'avec la fusion des services je ne suis plus dans leur base de données. Erreur ! Ils gardent trace de tout ! Donc mon appel pour anticiper tombe à l'eau. En effet, s'ils m'envoient un dossier maintenant, c'est considéré comme une pré-inscription donc les droits à indemnisation partiraient de cette date donc trop-perçus par la suite donc remboursement. Bref, des soucis en perspective. Il va me falloir appeler lorsque mon contrat sera fini.


J'étais au téléphone dès le lundi matin, à 9h, après avoir fini mon boulot le vendredi précédent à 21h. A 9h05, j'étais enregistrée et j'avais un RV pour la semaine suivante. Je vous passe les détails de papiers perdus et des crises de nerfs à tout retourner pour les retrouver. Au final, me voilà à attendre l'heure de mon RV. Je regarde autour de moi et réalise que je suis passée de l'autre côté de la barrière. Les personnes qui attendent ressemblent à celles que j'ai pu aider, dans ma vie d'avant, à remplir les papiers en vue de ce fameux rendez-vous. Je les reconnais sans les connaitre. Je pourrais presque dire qui est « au chômage » depuis longtemps et qui ne l'est pas. Il y a des regards qui ne trompent pas, des mains crispées qui parlent, des épaules tombantes et des têtes baissées qui ne sont plus que résignation et découragement.

C'est à moi. Mon entretien durera 1h30. Remplir le dossier, vérifier que tout y est, expliquer mon parcours, essayer de débroussailler la suite. La conseillère me guide pas à pas au fil des pages et des cases. Elle est vraiment sympa et à l'écoute. Dans trois mois environ, j'aurais un rendez-vous avec un conseiller plus spécialisé dans mon domaine de recherche. J'ai obtenu que mon métier de référence soit bien celui de ma vie d'avant et non opératrice en agroalimentaire.

Je rentre chez moi agréablement surprise de la manière dont ça c'est déroulé. J'en ai tant entendu. Ici, ils ont l'air disponibles et détendus.

Je reçois par mail un avis qu'un « document est mis à disposition dans mon espace ». Pour y accéder, il me faut mes identifiants. Seulement voilà, je ne les ai pas. Me reviennent soudain les propos de la conseillère : « vous recevrez vos identifiants par courrier sous 48h ainsi que votre avis d'inscription au dispositif » - « si vous optez pour les envois par mails, cela dématérialise tout, vous ne recevrez plus aucun courrier papier ». Et là, j'ai comme un fou rire désespéré...non, quand même, ils ne vont pas m'envoyer mes identifiants par mail alors que j'ai besoin de mes identifiants pour lire mon courrier contenant mes identifiants... ? Heureusement, rien d'aussi absurde et j'ai reçu les infos indispensables par courrier papier, plus tard...

Le temps passe puis je pars en vadrouille, je rentre guillerette de mon escapade, j'ouvre ma boite aux lettres... pile de courrier dont 3 de monsieur Pol et des bébés escargots partout. Il y a une grande enveloppe que je n'aime pas. J'ouvre : l'intégralité de mon dossier de demande d'indemnisation et un courrier : mauvaise date dans mauvaise case, ça ne correspond pas aux documents fournis, veuillez vous en expliquer. Ça tangue sous mes pieds. Le traitement de mon dossier prend trois semaines de retard.
Pourquoi je vous parle des escargots ? Parce que je remarque horrifiée des trous dans mes courriers, dans mes papiers et mon formulaire de demande d'indemnisation. Les escargots semblent aimer le papier et ont bouffé les papiers de monsieur Pol.
J'ai passé ma colère et ma peur sur la colonie squatteuse de boite aux lettres. Un vrai carnage.

Je suis dès le lendemain matin à l'accueil, pas très fière. Je tends mon dossier, troué, et explique mon cas très humblement. S'ils voulaient bien me donner un formulaire que je puisse refaire ma demande et toutes mes excuses pour les trous. Imperturbable, l'agent vérifie si les trous ne « masquent » pas des infos importantes. Non, apparemment pas. Me demande quel est le problème et en deux ratures règle la question. Ah, OK. Je pouvais raturer donc. Je n'aurais pas osé.

J'ai reçu leur avis d'indemnisation un dimanche moins de deux semaines plus tard. Par mail. Je me suis littéralement congelée sur place : droit à indemnisation sur tant de mois, c'est bon. Le montant ? 400€ par mois de moins que dans mes estimations les plus pessimistes. Juste ingérable même en resserrant le budget à sa plus simple expression.

Rebelote. Direction l'accueil et ses agents, forts disponibles et gentils au demeurant. Non, il n'y a pas d'erreur. Voyez-vous, autant Pol remonte sur les 28 derniers mois pour prendre l'affiliation en compte, autant ce sont les 12 derniers mois et la moyenne des salaires perçus qui servent pour le calcul de l'indemnisation. L'homme en face de moi est désolé et je vois bien qu'il est sincère. Mais la froide réalité est celle-ci.

Jamais l'idée n'a été d'être dans le système et d'en vivre. Mais un peu de répit aurait été le bienvenu. Je vais devoir réfléchir à la suite. Mais là maintenant, c'est le brouillard un peu Parkinsonnien.

Je ressors. Une cigarette, ma voiture. Je déborde d'un seul coup. Trop d'eau salée retenue depuis trop longtemps. C'est comme ça.

Je ne lâcherai pas mais vraiment , pour l'instant, Pol MePloie.

15 commentaires:

  1. C'est pas le même registre que Laurent Wauquiez pour traiter du même sujet.

    Eric ETHICDISTRIBUTION

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  2. A part l'émotion, je note plusieurs infos : tu veux chercher à revenir à ton emploi de ta vie d'avant ? et tu fumes ? :)
    tiens bon, même si la désillusion est grande. je n'ai jamais été confrontée à Monsieur Pôle , j'ai eu de la chance. j'appréhende que mes enfants le soient, parce que ça risque fort d'arriver...

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    1. Pas nécessairement mais je préfère qu'ils m'envoient des annonces pour des postes d'éduc plutôt que des annonces pour l'usine...en attendant ma suite. Et oui, je fume ;-)
      Tes enfants verront le moment venu...

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    2. oui je sais pas besoin de s'en faire à l'avance :) on ne se refait pas lol ;)
      pour la cigarette, bon fallait bien une imperfection à tant de grâce

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    3. D'autant que tu n'en sais rien...tout change tellement vite! ;-)

      Huhuhuhuhu...une grasse incroyable!! lol

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  3. Monsieur Pol et sa Tourtel ce n'est pas de la petite bière.
    Toujours beaucoup de sensibilité dans l'écriture et de petites touches très justes comme de petits coups de pinceau.
    Je connais les deux côtés. Demandeur c'était dans un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître. Maintenant en tant qu'employeur, je dois avouer que ceux que j'ai en contact avec moi font très bien leur job et sont motivés.

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    1. Je ne leur jette aucune pierre et ils ont même été rapides dans le traitement de mon dossier, compréhensifs, disponibles, répondant à toutes mes questions...Là où je suis, ils font bien leur boulot. Ce ne sont pas eux qui écrivent les lois et les règles, ils les appliquent. Normal. Certains jours, c'est plus difficile à avaler que d'autres, c'est tout...

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  4. Mon pote Pol est un tyran.

    @Venise > il faut dédramatiser, le chômage est une étape de la vie professionnelle moderne. 3 inscriptions dans cette agence pour ma part, et ce avant mes 30 ans.

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    1. Je n'avais pas pensé à ce jeu de mots là : applaudissements!! :-))

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    2. merci JR je vais dédramatiser alors en croisant les doigts quand même pour qu'ils évitent d'en passer par là :)

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  5. Pour avoir une copine qui bosse chez Pol, je peux te dire que eux aussi en bavent, surtout depuis la fusion, sans formation adaptée, bcp plus de dossiers, un temps limité imposé pour recevoir les gens, car un nbre de dossiers imposé par jour, et en plus la plupart du temps se faire engueuler. Etre au chômage c'est dur bien sûr, et je me sens privilégiée de n'avoir jamais été demandeuse d'emploi, mais si on créait des emplois justement pour répondre aux questions des chômeurs, les aider vraiment, les deux côtés se sentiraient mieux.

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    1. Oui ils en bavent. C'est pour ça que je ne peux en vouloir à personne. Je considère être vraiment bien lotie là où je suis car ils sont sympas, assez détendus et compétents. Le système est ainsi fait (j'en veux au système...).
      Après...c'est tout un débat. Tu sais bien : aider coûte cher!

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  6. Les gens en bavent dans beaucoup de boulot, car ils ont souvent choisi un métier pour le faire bien, et on les empêche par des règlements, des réductions de crédits, des ordres idiots mais récurrents, de le faire correctement. C'est pour ça que je n'ai pas engueuler la dame "de la poste" (avec un fort accent asiatique) que j'ai eue au téléphone avant-hier, mais que j'ai envoyé un mail circonstancié sur le site de "La Poste", en espérant qu'une personne concernée le lira un jour... J'attends la réponse.

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    1. C'est tout à fait ça : ce sont les personnes qui sont le plus engagées dans leur boulot qui souffrent le plus...
      C'est vrai qu'en général, les agents qui appellent font le boulot qu'il leur est demandé et ne sont décisionnaires de rien. On peut quand même imaginer que La Poste soigne sa relation clientèle, non?

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