C'est
une petite maison de pierres aux volets bleus. Entourées de maisons
plus imposantes, elle passe inaperçue, nichée là avec son petit portail bleu et son petit jardin. Sise au cœur du village, elle
voit passer les vieux, les enfants, les chiens, les chats et le
facteur. Elle entend sonner les heures et leur demie au clocher,
hume les odeurs de pain chaud de la boulangerie à un jet de pierre
ou deux. Quand arrivent les tempêtes d'hiver, elle affronte et fait
face gaillardement. Elle tremble, gémit et chuinte mais résiste.
Aux beaux jours, elle s'ouvre et accueille. De son jardin
tendrement bichonné, on voit les étoiles, si proches qu'on pourrait
presque les cueillir. On sent la mer toute proche et les éclats des
phares ponctuent la nuit comme un électrocardiogramme côtier. Cette
maison presque au bout de là où la terre finit au nord, c'est la
mienne. Mon refuge, mon cocon, mon nid, ma tanière, mon chez-moi, ma
maison ouverte, mon penn-ty, ma bulle, mon bouclier, mon bonheur, ma
confidente, mon havre, ma reposée...
Lorsque
je suis arrivée avec mes baluchons un week-end d'avril, j'étais
tellement fissurée de l'intérieur que seuls ma peau et mes
vêtements me tenaient. Elle m'a accueillie et m'a contenue. Elle a
érigé entre moi et le reste du monde une protection qui m'a permis
de baisser ma garde. J'avais un genou à terre et c'est en y mettant
le deuxième à gratter, biner et conquérir le jardin que j'ai pu
accepter d'être si proche du sol. J'ai planté des aromatiques, des
fleurs, des graines partout où je le pouvais. J'ai installé un banc
sous la fenêtre devant l'herbe. J'ai noirci mes mains et mes ongles,
sué et hâlé sur ces quelques mètres carrés, pendant des heures.
J'ai reconnecté à la vie. J'étais en prise de terre directe.
Dedans,
j'ai posé mes meubles, déballé quelques cartons et je me suis
sentie chez-moi, à ma place. J'ai accroché quelques cadres,
vaguement organisé l'espace. Elle est bizarrement construite, de
bric et de broc mais si charmante. Et il y a une cheminée, j'en
rêvais !
J'y
ai réappris à dormir, à respirer, à être. J'y ai accepté d'être
mal et de me regarder en face. J'y ai peu à peu verbalisé les mots
tabous : burn-out, dépression,... Je me suis coupé du monde et
elle n'a rien lâché. Elle se rappelait à mon bon souvenir pour que
je ne sombre pas : toilettes bouchées, régulateur de pression
flingué, cuve vide et quelques menus autres tracas. Elle s'est faite
contenante aux chagrins, aux doutes, aux larmes et à la
désespérance. Elle a tenu et soutenu quand j'ai chancelé et que je
ne voulais plus continuer. Elle a gardé le tumulte au dehors et la
chaleur au dedans. Ici, j'ai cicatrisé et je me suis reconstruite.
J'ai
aussi ouvert sa porte. Cette maison voit passer les amis, la famille,
le vide, des araignées, quelques souris, des papillons, un chat.
Elle ouvre grand ses murs à l'amitié, à l'amour, aux rires, aux
soirées sans fin, aux confidences, aux bêtises, aux discussions.
J'y ai pris des décisions importantes et passé d’innombrables
moments magnifiques.
Le
portillon du jardin grince et coince un peu mais je ne change surtout
rien ! Il y a même une lampe sur la façade à côté de la
porte pour indiquer la place par nuits noires. Ici, on coupe
l'éclairage public à 22h30 et s'il passe 5 voitures dans la rue
principale après 20h, c'est qu'il y a une fête quelque part. Il y a
la poste, une supérette avec son boucher-charcutier, un coiffeur, un
fleuriste depuis peu, une pharmacie, un médecin et deux (oui, deux!)
infirmières. On ne parle pas toujours français par ici et c'est une
musique qui réjouit mon cœur. On a le sens de la fête et de
l'accueil mais sans débordements. Une fois accepté-e-s, c'est pour
de bon avec des attaches plus solides que n'importe quel bout.
Et
son écrin... Je suis incapable de trouver les mots pour décrire sa
splendeur. J'ai arpenté des heures les chemins de douaniers, les
criques et les rochers. La lumière n'est jamais la même et d'une
qualité rare. Je vis au milieu d'un joyau qui m'émerveille chaque
fois. J'ai observé, exploré, profité et mitraillé au Canon à
n'en plus finir. Même lorsqu'il ne fait pas beau... J'aime la pluie
que voulez-vous. M'endormir bien au chaud lorsque la nature se
défoule des hommes, dehors. J'y suis confiante parce qu'elle veille
au grain.
Ma
maison est vivante pour moi et j'en parle comme d'une entité à part
entière. J'ai replanté mes racines ici profondément, je m'y sens à
demeure. Je sais bien que cela fait souvent sourire parfois rire
même. Cela soulève des incompréhensions et de temps en temps de la
condescendance. En attendant, chaque personne qui y a mis les pieds
est repartie en me disant « qu'est-ce qu'on se sent bien chez
toi »... C'est mon trésor. Mais chuuuuuuut ! C'est un
secret...
Oh oui! Quoi de mieux que de construire ou se reconstruire sur de solides fondations.. J'aime!
RépondreSupprimerExactement...;-)
SupprimerMerci! Et bienvenue ici :-)
Non on ne dira rien, à ce que tu en dis, elle te ressemble. On doit s'y sentir bien, comme on se sent bien dans tes mots, dans ton univers, une fois que tu as accepté d'en ouvrir la porte.
RépondreSupprimerUn rêve serait de réitérer notre week end chez so, j'en garde un souvenir émerveillé... vous me manquez, savez vous.
Des bisous doux, belle frayer
Merci Venise... Je suis très touchée. Bisous ;-)
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