Petit jeu d'écriture initié par Venise : écrire une lettre et sa réponse. Nous sommes un certain nombre à avoir participé. Pour savoir qui a joué, allez chez Venise qui met à jour les infos. Moi, j'avoue, cette fois-ci, j'ai la flemme.
Voici donc ma participation :
Chère
Porte,
Que
tu sois en bois, fenêtre, blindée, à simple ou doubles vantaux,
d'entrée ou de service, petite ou majestueuse voire colossale, toi
et moi avons toujours eu une relation compliquée.
Déjà,
enfant, nos rencontres étaient en générales douloureuses. Je ne
compte plus le nombre de fois où mes orteils, mon front, mes doigts ont
eu à se confronter à toi et cela faisait mal. Que dire de cet
épisode peu glorieux au cours du quel, du haut de mes 6-7 ans, j'ai
défoncé de rage un de tes panneaux d'un coup de pied mémorable. La
victoire n'a été qu'éphémère. J'ai payé le prix du silence de
ma sœur pendant des années. Passons.
Curieuse
de nature, je collais parfois mon oreille à toi pour écouter ce que
tu dissimulais. Je cherchais à t’entrebâiller aussi ou à
t'ouvrir subrepticement mais tu avais choisi ton camp et tu grinçais
avec perfidie. Et il y avait ces fois où j'aurais tant eu besoin que
tu laissas filtrer le jour ou que tu t'ouvris mais tu demeurais
résolument close.
En
grandissant, j'ai cherché à t'enfoncer alors que tu étais déjà
ouverte, je t'ai prise en pleine face verrouillée que tu étais
alors que j'étais persuadée du contraire. J'ai pu t'ouvrir aussi ou
te refermer, parfois avec difficultés. J'en suis également venue à
me lier d'amitié avec tes cousines les fenêtres.
Tu
m'as aussi été bien utile Porte. Grâce à toi j'ai pu grandir et
avancer dans ce monde. J'étais vulnérable, bien incertaine et
suffisamment différente pour me sentir perdue. J'avais trouvé un
endroit tranquille au fond de moi pour la vraie moi mais c'était
ouvert aux quatre-vents, jusqu'à ton installation. J'ai pu me
protéger grâce à ton blindage. Après tout, n'entre pas chez moi
qui veut, n'est-ce pas ?
La
chose étonnante, c'est que j'ai appris à trouver les portes des
autres. Je suis devenue un peu passe-muraille de ces portes-là. Et
derrière toi, l'autre je chuchotais « ne leur fais pas peur, vas-y en
douceur ». Mais j'ai l'impression que tes gonds ont rouillé au
fil des années et j'avais bien peine à t'ouvrir en grand. Tout
juste parvenais-je à t'entrouvrir et en m'arcboutant comme une
forcenée.
Et
puis, j'ai eu envie d'avoir accès à moi un peu mieux et j'ai mis de
la confiance dans tes charnières. C'est devenu plus facile de me
retrouver avec mes autres et qu'on sorte dans ce grand monde. Je
t'ai décoré aussi. Je te trouve jolie aujourd'hui. Mais ne
t'inquiète pas, Porte. Je sais que je peux compter sur toi en cas de
coup dur. Seulement, pour l'instant, je vais te laisser ouverte et
aller au devant de ce qui m'attend.
Bien
à toi,
Serval
Ma
chère Serval,
J'ai
bien cru un moment que tu allais me rendre responsable de tous tes
maux. Faudrait voir à ne pas oublier que bien souvent, tu avais ma
clef à ton trousseau! Soit tu oubliais qu'elle était là soit tu
l'ignorais délibérément. Je reconnais, parfois tu la cherchais
frénétiquement et je la faisais toute petite au milieu de ses
grandes congénères.
Te
dire que ta lettre ne m'a pas touchée serait mentir. Je suis si
souvent déconsidérée et méprisée. Ce qui m'amuse est de voir
qu'aujourd'hui, dans tes lieux de vie, tu laisses les portes ouvertes
ou tu les abats. Tu « ouvres l'espace » comme tu dis.
J'ai même cru que tu ne m'aimais plus ! Comme à l'époque où
tu m'accusais d'avoir changé la serrure sans te prévenir alors que
tu utilisais juste la mauvaise clef. C'est quand même pas de ma
faute si tu en avais autant ! Dis... Il y avait une de moi pour
chaque clef ? Ton trousseau, on aurait dit celui d'une mère
supérieure ou d'une gardienne de prison dis donc. Et ce bruit qu'il
faisait...
Et
je n'ai pas oublié ce coup de pied ! J'ai bonne mémoire...
J'avais compris ce jour là, tu sais. J'aurais du te le dire plus tôt
au lieu de te laisser te culpabiliser. Je t'ai entendu en rire
l'autre jour ! Je vois que tu es devenue plus indulgente avec
toi et je trouve ça bien.
J'ai
bien remarqué que depuis quelques années tu oublies de plus en plus
souvent de me refermer. Ces derniers temps, tu ne me clenches même
plus, ou si rarement. J'ai trouvé aussi déstabilisant que tu
invites du monde. Après toutes ces années de retranchement volontaire... J'avais peur pour mes peintures et la nouvelle déco
que tu m'as offerte mais non, il est plutôt sympa ce petit monde là.
Et il prend soin de moi : pas de coup de pied, de claquage
intempestif ni de tentative d'effraction ou de me prendre. Non, j'aime beaucoup de que
tu as fait de moi.
Maintenant,
je te connais... Alors sois mignonne, cale-moi bien avec un bloc de
granit ou deux pour éviter les "courants d'airs" et que je me referme
brutalement sans qu'on sache dans quel carton tu as rangé ma clef.
Parce que les actes manqués, ça te connait alors cette fois-ci,
déconne pas et cale-moi bien. Je serai toujours là tu sais alors ne
t'inquiète pas et fonce.
Je
t'embrasse va!
La
Porte
Surtout ne la ferme pas, tu causes bien ;)
RépondreSupprimerJe me suis régalée à vous lire toi et ta porte .
Bienvenue ici! ;-) Et merci... Non, j'ai bien l'intention de la laisser ouverte pour l'instant :-D
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