Peur

« J'attends de vous un écrit exhaustif, complet mettant en débat les différents courants théoriques sur cette questions. La note tiendra compte à part égale du fond et de la forme ». J'ai peur.

Me retrouver compressée dans le métro à l'heure de pointe et sentir monter la crise de panique au point de descendre à la station suivante avant ma destination. J'ai peur.

« J'ai fait un petit épisode cardiaque cette semaine donc je dois faire attention. J'ai appelé les urgences de Paris et le médecin qui est venu était formidable. Je prends le médicament qu'il faut, ça se stabilise. Je ne voulais pas te déranger, tu es en plein travail et c'est ce qui compte le plus ». J'ai peur.

Regarder le temps qui passe dans le miroir et me rendre compte que certaines choses qui ne sont pas ne pourront jamais l'être. J'ai peur.

« C'est rien tu sais mais je dois quand même surveiller ça de près. Tu sais bien que ma santé est fragile depuis plusieurs année. Mais ma nouvelle prothèse est une merveille. Au fait, tu viendras cet été ? » J'ai peur.

Contempler les piles de livres, de papiers, les enchevêtrements d'idées et mon agenda. J'ai peur.

« Égypte, Morsi en résidence surveillée ; Syrie, utilisation de gaz contre les populations ; La place Takhsim évacuée par les forces de l'ordre ; Le congrès américain vote une loi qui mettra Monsanto et les grands groupes américains à l'abri... ; Hausse du chômage de... » J'ai peur.

Ces numéros qui ne répondent plus ou ces mails qui restent sans réponses, les amis qui changent (à moins que cela ne soit moi) et les distances qui s'étirent. J'ai peur.

Le corps qui s'épaissit, les hanches qui s'arrondissent, certaines articulations qui grincent et ces infections à répétition. J'ai peur.

« Non mais comprenez qu'il faut absolument mettre en regard ces idées et ne pas perdre de vue que cela doit être terminé pour dans dix jours. Ah tu es là ? Je ne t'avais pas vue ». J'ai peur.

Regarder passer les wagons de la vie en dehors de moi sans parvenir à m'y raccrocher. J'ai peur.

Travailler mais où, quoi, combien, je ne sais plus faire ni comment faire ; Je suis complètement à la marge. J'ai peur.

« Alors deux menus à 8 €, cinq menus à 6 €, un chicken massala, quatre nans fromages et deux natures. Et vous madame ? Hé Serval, Serval ! Ton choix ? Tu rêves ? » J'ai peur.

Perdre en substance, m’étioler, devenir grise, terne puis transparente et finir par me dissoudre dans le tout. J'ai peur.

Si je ne bouge plus, que je respire à peine et que je ne fais pas de vagues, peut-être que ça passera. J'ai peur.

Je ne suis plus qu'une pelote de peurs qui ne trouve pas son fil pour s'en dérouler. Encalminée.