Innommable :
Qui ne peut être nommé, qu'on ne veut ou qu'on ne peut nommer (Def. CNRTL).
C'est la définition la plus simple du mot. Et c'est ce qui m'est
venu en lisant un article, partagé par une amie sur sa page
Facebook. Impossible de « liker » une abomination
pareille. J'ai lu le titre de l'article et je n'ai pas voulu y croire
alors j'ai cliqué pour lire ce qui était écrit. J'en suis restée
pétrifiée, littéralement. En moi, je pleurais, je hurlais de rage,
je vomissais de dégoût et j'étais terrifiée. Mais rien ne
sortait.
Je n'ai pas envie d'utiliser de métaphores, de périphrases ou de formules pudiques pour ce qui suit.
Je n'ai pas envie d'utiliser de métaphores, de périphrases ou de formules pudiques pour ce qui suit.
L'article
est intitulé « Une fillette Yéménite de 8 ans décédée au lendemain de sa nuit de noce » … Cette enfant, Rawan, a été
vendue par son beau-père à un homme de 40 ans. Les termes de
« mari » et de « nuit de noce » sont entre
guillemets dans l'article. Pour résumer les choses : un homme a
vendu une fillette à un autre homme qui a ensuite pénétré le
vagin de cette enfant avec son pénis d'homme adulte ce qui a conduit
à ce que son utérus soit déchiré et qu'elle en meurt dans une
chambre d'hôtel.
Il
y a des hommes assez pervers, tordus et malades pour bander devant
une petite de 8 ans. Ça n'est pas forcément une question de désir
mais c'est aussi (et surtout) une question de pouvoir. Je le sais.
Quand j'étais éduc' , les abus sexuels sur mineurs n'étaient pas
chose rare. J'ai accompagné des enfants qui avaient été violés. J'ai rencontré des abuseurs. J'ai entendu des révélations et j'ai
lu des rapports . Cela faisait parti du boulot. Et mon curseur
personnel quant à ce qui est « horrible » n'est vraiment
pas là où est le curseur de la majorité des gens. Le métier fait
ça, aussi. Il fait fluctuer les seuils de tolérance.
J'ai
fait un bond en arrière brutal en lisant ces quelques lignes. Je
suis retournée malgré moi dans les souvenirs de ce que le métier
d'éduc' pouvait avoir de plus violent et de plus insupportable. Et
il n'était pas question de détourner le regard ou de se faire
porter pâle.
Vous
pourriez me dire : il y a des atrocités chaque jour dans le
monde, des guerres, des massacres, des réfugiés désespérés, des
tortures. La liste est désespérément et malheureusement non
exhaustive. Et vous auriez aussi raison.
Sauf
que voilà, Rawan a pour moi le visage de filles et de garçons dont
j'ai tenu la main et dont un jour un adulte avait décidé qu'il
allait en faire son objet sexuel ou son défouloir pulsionnel. La
majorité des abuseurs/violeurs sont des hommes, faut-il le
préciser ?
Nous
vivons dans un monde où les hommes, des hommes, peinent à
considérer les femmes comme leurs égales (dans le meilleur des
cas), les considèrent comme étant des objets sexuels voire des
marchandises et ce quelque soit leur âge. J'en entends déjà me
dire « ouaiiis mais ça se passe au Yémen, la culture, la
religion, tout ça... Ils sont moins évolués que nous, tout
ça... Nan mais attends là, tu mélanges tout... Tu fais des
amalgames, c'est des exceptions... ». Alors dites moi messieurs (et
mesdames aussi d'ailleurs), vous qui avez une fille de 8 ans, relisez
l'article et on en reparle.
Parce
que ce dont il s'agit c'est de la transformation de la personne en
objet. Et la réification des femmes est une réalité. Machisme,
sexisme, misogynie, discrimination, mansplaining, viol, brutalité,
violence physique, violence psychologique, condescendance, mépris,
inégalités salariales, inégalité ou incapacité juridique,
harcèlement, mutilations, … Je crois que je pourrais continuer la
liste encore.
Je
suis dans une rage sans nom et la seule manière pour que cela sorte
c'est de l'écrire. Je crois que ma rage est d'autant plus grande que
je suis totalement impuissante. Et que ça arrive tous les jours. Et
que je ne sais pas quoi faire.
Un
jour, j'ai entendu dans je ne sais plus quel film cette phrase « Dieu
compte les larmes des femmes ». Bientôt, il n'y aura plus rien
à compter car les femmes n'auront plus de larmes tant elles ont
pleuré.
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