Il y a quelques temps, je décidais d'ouvrir un espace ici, pour vous et je vous en parlais. J'ai commencé à recevoir quelques textes. Merci à ceux-celles qui se sont lancé-e-s et j'espère que cela donnera envie à d'autres!
Aujourd'hui, je laisse la place à Léona et à ses mots touchants et forts...
"Passer
de l'autre côté du miroir… et revenir
Le
chemin a commencé en juillet de l'année dernière, ne me demandez
pas la date exacte, je suis nulle en dates…
Pour
dire la vérité, ça a commencé avant, six mois avant. Tentative de
vacances, une semaine de cauchemar ("la vieillesse est un
naufrage" comme dirait l'autre plus connu que moi). Le crabe
était là-bas, détruisant tout sur son passage. Officiellement ; si
loin et si proche… Toujours prête à bondir et à LE défendre
contre le reste du monde puisque je ne pouvais rien faire contre la
maladie.
Ce
jour-là, l'appel au médecin : soins palliatifs pour ne pas avoir à
prononcer ces mots "mort, mourir, disparaître, fin, sans
espoir, plus d'espoir, rien, néant, trou noir, et après… IL a
refusé la chimio de "confort"… TENIR… lui
parler… l'entendre de sa bouche… TENIR…
Raccrocher !.. décrocher… perdre pied...
Et
puis plus rien, les plombs qui fondent, le trou noir, voir les choses
qui défilent dans mon cerveau et ne plus savoir les mettre en lien,
ne pas comprendre… SE REPRENDRE… TENIR… Prévenir les autres…
CONTINUER A MARCHER/TRAVAILLER POUR TENIR DEBOUT : début de la
phase ZOMBIE...
Commencer
son deuil. Première phase tristement banale : le déni. Ne pas
vouloir y aller, peur, peur, peur, peur, peur, peur, peur, peur (je
pourrais continuer, rien ne sera suffisant pour que vous compreniez
ce maelström dans mon être)… une peur ancestrale, tripale…
Se
mettre en route avec la peur au ventre : la peur de la mort cachée
derrière la porte. Voyage initiatique (au sens propre comme au sens
figuré) où tout est signifiant rien n'est étonnant.
Debout
devant cette porte sans pouvoir l'ouvrir de peur de faire face au
monstre caché dans le noir. SERRER LES DENTS… Poser la main sur la
poignée… la tourner…
Lui
faire face et faire face au quotidien, au normal : pas de
monstre. De l'émotion puissance 10.000. TENIR pour l'aider,
pour m'aider à éloigner le monstre caché dans le noir. TENIR pour
les autres tout en étant dans le noir, le vide, un trou noir…
fatigue indicible…
Pas
de courage, pas de mérite, pas de réflexion : juste TENIR par
miracle ou par une force qui nous est supérieure et qui m'a soutenue
ou manipulée (rayez la mention inexacte ou inutile) comme une
marionnette au bout d'un fil.
PLEURER,
pleurer, pleurer, pleurer… beaucoup… sans en éprouver de honte…
juste pleurer tout en TENANT.
Se
battre avec les médecins pour qui la mort est un échec et qui en
oublient la souffrance. SE BATTRE sans espoir. Etre là avec lui
réveillé ou inconscient… Perdre la notion du temps et de
l'espace… Etre là jusqu'au bout, jusqu'au jour où il
me demande de partir car il a trop mal, il
ne peut plus et je ne peux rien… DECHIREMENT malgré la tentative
de réconfort du personnel soignant - mais est-il possible d'aider
quelqu'un dans cette situation ? - Rentrer, dormir (non,
s'effondrer).
Etre
réveillée par le téléphone : il est mort…Voilà
c'est fini… C'est mieux… oui c'est mieux… méthode Coué…
mais c'est vrai que c'est mieux…
TENIR….
funérailles, vidage de maison/fin d'une époque, d'une tranche de
vie (faire semblant de travailler entre deux comme un Zombie, pas
vraiment efficace, brouillard, noir, nuit, vide, rien, néant,
ailleurs, outre tombe, de l'autre côté du miroir…).
Retour
de vidage de maison dans un état indescriptible d'épuisement
psychologique et physique tout en continuant à TENIR, RESTER
DEBOUT…. A l'aide de béquilles : le travail, les habitudes,
répétitions répétitives et régulières… TENIR…. TENIR…
TENIR… Toujours comme un zombie…
Et
puis un jour… un rayon de lumière (virtuel, hiver de merde plus
long que l'enfer, je n'ai pas mérité ça)… une étincelle qui
réveille l'envie et les envies… les opportunités qui apparaissent
comme par magie, comme les premières fleurs au sortir de l'hiver.
Ne
me demandez pas la date exacte, je suis nulle en dates.
Il
n'y a qu'une date dont je me souvienne : le 17 août 2012."
Edit : Je ne répondrai pas aux commentaires que vous postez. Cet espace est celui de Léona et je lui laisse toute liberté en la matière, de répondre ou non :-)
Des mots au delà des maux. C est poignant et juste, juste vivant. J aurais aimé pouvoir les écrire. Merci.
RépondreSupprimerMerci <3.
SupprimerLéona