Je
suis revenue le lendemain, après ça. La dame de l'accueil m'avait
dit que le secrétariat était ouvert de « 9h à midi et de
13h30 à 17h ». Je ne suis pas du matin donc j'ai traîné un
peu en chemin.
9h25.
L'air assuré et le pas déterminé, je file jusqu'au 3ème. C'est là
que je remarque le papier sur la porte : secrétariat ouvert de
9h30 à 16h30. Ils semblent avoir des soucis de transmission de
l'info d'un étage à l'autre ici...Je me félicite de mon sens de
l'à propos (= avoir paressé sous la couette 15 minutes de plus ce
matin là).
9h30...9h35...9h40...9h45...etc
jusqu'à 10h. Rien, personne. Couloirs déserts et pas âme qui vive
pour me renseigner. Je redescends au bureau de l'accueil. « Ooooh
mais des fois elle arrive à 10h, des fois à 11h, ça dépend... »
- « ok, ok...quelqu'un d'autre dans la maison là qui puisse me
renseigner ? » - « c'est compliqué...Gnourynquologie
c'est à part ». L'Alien, qui n'a toujours pas eu son quart
d'heure de massacre et qui commence à s'impatienter, fait un bon et
l'agent d'accueil ne doit la vie qu'à ma rapidité légendaire qui
me propulse sur le trottoir avant l'attaque fulgurante de la bête
bavante, tous crocs dehors.
Respirer
à fond, allumer une cigarette, compter les pas dans un sens puis
dans l'autre. Seconde cigarette, cajoler l'Alien pour éviter toute
sortie intempestive et non constructive. Respirer. Attaquer les
ongles de la main gauche. Compter les pas. « Mais ta gueule
l'Alien bon saaaang ! » En allumer une troisième, la
regarder étrangement puis la jeter, dégoûtée, dans le caniveau.
Respirer.
Remonter
au troisième. La porte du secrétariat est ouverte. J'hyperventile
d'émotion. Je passe la tête en frappant à la porte. Bureau vide.
« Bonjour, je peux vous renseigner ». Je fais un bond et
je me retourne. Mais ça va pas de me faire une trouille pareille ?!!
Elle
est souriante, détendue. Je redéroule mon discours de demande de
renseignements, fluide, bien huilé (j'ai eu le temps de le répéter
celui-là). Elle me tend deux trois feuilles de renseignements et
m'explique la procédure (que je connaissais déjà mais bon...il ne
faut jamais se mettre les secrétaires à dos, ce sont des personnes
essentielles pour la survie en milieu hostile, des mines de
renseignements et de petits trucs à savoir, des perles quoi et les
perles, faut les traiter avec respect voire déférence).
« heu...j'ai
vu que dans la lettre de motivation [oui, je dois motiver ma demande
d'entrée dans le cursus] il fallait préciser les cours/horaires qui
m'intéressent. Je n'ai pas trouvé le planning de cette année en
ligne » - « il n'est pas encore fait, il devrait être
validé la semaine prochaine » - « ... »,
inspiration zazen, « ne faut-il pas déposer les inscriptions
au plus tard dans 10 jours ? » - « si ».
Au
final, parce qu'elle veut vraiment m'aider, elle me donne le planning
non définitif non validé, quitte à ce que je rediscute de ça avec
l'enseignant lors de l'entretien. Là, j'ai le cœur qui commence un
100m à la Usain Bolt : « je croyais qu'il n'y avait pas
d'entretien » - « ah si. D'abord ils sélectionnent les
dossiers, puis ils en convoquent certains et enfin ils choisissent
qui intègre » - « ok...heu, des conseils pour la lettre
de motivation ? » - « parlez bien de votre parcours
professionnel » - « je précise que je suis sans emploi
actuellement ? - « ... », yeux écarquillés et
sourcils froncés de la dame, « vous ne travaillez pas ?
Oulaaaaaaa, ça va poser problème ».
Et
là, j'ai Bambi sur ses pattes instables avec ses yeux terrifiés qui
fait Ippon l'Alien. BLAM ! Je rentre en mode panique à bord,
sortez les petites cuillères et commencez à écoper ! Si je
résume : c'est parce que je ne travaille pas que je dispose du
temps nécessaire pour entrer en formation mais si je veux entrer en
formation, il faudrait que je travaille.
Je
vais vous révéler le secret le mieux gardé de la planète :
je suis une anxieuse, une vraie, une fondamentale. Une qui écrit
tous les scénarios catastrophe (et je suis créative...) à
l'avance. Et il n'y en a pas un avec une fin heureuse.
A
cette minute, j'ai Bambi au dedans de moi, avec ses gambettes de
guingois et ses grandes oreilles toutes agitées, qui regarde
statufié un trente-huit tonnes plein phares lui foncer dessus.
L'Alien c'est fait la belle sans demander son reste. Quelque soit le
script, je vais devoir retourner à l'Uzine, je ne vois que ça.
« Bonjour
je viens déposer mon dossier ». Je regarde cette voix et je
vois une Fleur. Sourire chaleureux, regard pétillant, l'assurance de
celle qui connaît les lieux.
On
discute, elle m'explique, me rassure, écoute ma logorrhée panique
et sourit. Elle prend mon mail, je prends le sien : elle va
m'envoyer des infos et des coordonnées. « A bientôt alors ».
la Fleur va son chemin, Bambi et moi on va se carrer dans un café.
Et je passe une heure au téléphone avec les unes et les autres. Les
intonations sécurisent et les mots apaisent. Je rétrograde du mode
panique au mode « je suis dans la merde ça va foirer »
(je vous assure, c'est pas le même!).
Les
amis, la famille et même certains d'entre vous m'encouragent et me
rassurent. Fleur m'a envoyé tout plein d'infos vraiment précieuses.
Don't
give up, 'cause you have friends...Don't give up, you're not beaten
yet...Don't give up, I know you can make it good...
Il
va juste falloir que je fasse une lettre de motivation canon, que je
passe ce premier barrage. Si je décroche l'entretien, j'en fais mon
affaire. J'ai toujours été meilleure à l'oral qu'à l'écrit. Je
sais trouver les mots pour convaincre.
Et
puis, s'il le faut, je trouverai un stage ou un petit job. Une chose
est sûre, je ne me rendrais pas sans avoir bataillé. Je veux tout :
entrer en formation, garder mon petit coin de paradis, profiter de la
Capitale les jours où j'y serai. Je veux !
J'ai
écrit cette fichue lettre. J'ai du m'y reprendre à plusieurs fois.
« Tu en penses quoi si je dis ça comme ça ? Là, c'est
nul, comment je peux expliquer ça ? Écoute, j'ai fini, tu la
trouves comment ? ». Mon dossier est parti cette semaine.
Affaire à suivre donc.
Je
ne sais pas comment, mais il faudrait que j'arrive à faire fusionner
l'Alien et Bambi, qu'ils parviennent à s'entendre ces deux là.
C'est juste que l'image de l'Alien avec des yeux tous doux et celle
de Bambi gluant et avec de grandes dents, comment dire... Vous avez
des suggestions à me faire ?
meilleure à l'oral qu'à l'écrit, qu'est ce que ça doit être alors ;) parce qu'à te lire déjà on te mettrait 22/20 ! j'ai confiance , je suis sûre que ça va marcher, que tu as toutes les cartes pour, j'ai bcp plus confiance en toi qu'en moi. Imaginer les scénarios catastrophes sert à conjurer le sort, non ? imaginer le pire l'empêche d'arriver, et là c'est le meilleur qui t'attend
RépondreSupprimerdes bises et des zondes :)
;-)Je touche du bois!
SupprimerAvec "une mettre de motivation canon" tu ne vas progresser d'un mètre. Après il ne faut pas prendre mon commentaire à la lettre. Les joies du labyrinthe administratif. En fait tu es plutôt Thésée au féminin en train d'affronter le minotaure.
RépondreSupprimerVu, merci :-)
SupprimerThésée, rien que ça?! Remarque, j'ai une grosse bobine de fil en main...;-)