vendredi 25 octobre 2013

Brève - Colère

Colère. Celle qui déferle sans barrières et que je parviens à retenir avec peine. Elle est chatoyante dans sa noirceur. Moirée dans ses replis sombres. Elle est ma part d'ombre enfouie loin et confinée comme en cellule d'isolement. Surtout ne jamais la laisser être libre tant elle est effrayante, tant elle m'effraye. Je sais ce qu'elle me fait. Je sais ce que je peux devenir si je la laisse s'échapper. Méchante. Violente. Mauvaise. Froidement et sans aucun état-d'âme. Elle peut me paraitre attirante parfois et me chante une mélodie à laquelle il pourrait être si facile de succomber. Cette part-là de moi, je la refuse. Alors j'ai appris à la contenir, à la brider, à la transformer. Je peste, je bouillonne, je rage, je grogne, je râle, je trépigne, je maudis, je serre les dents. Je marche, je nettoie, je cuisine, j'écris, je photographie, je respire. Je résiste. Je m'arc-boute à cette porte et je m'oppose à ce qui y cogne. Je sais que si elle venait à s'évader, je volerais en éclat comme cette tasse sur le carrelage, perdant, par la même occasion, les bouts de moi qui me font être qui je suis aujourd'hui. C'est séduisant la colère et c'est toxique. Y céder ne ferait qu'empirer la spirale. Colère – blessure – peine – culpabilité. Sans fin. 


mercredi 23 octobre 2013

Toile

Autre petit exercice auquel, avec quelques autres Twittos, nous nous amusons...
Cette fois-ci : à partir d'une photo envoyée par l'un(e) à un(e) autre, écrire une histoire de 500 mots maximums... 

La photo :  


L'histoire :
Il n'y a que la lumière bleutée de son écran qui se reflète dans ses lunettes et le staccato fiévreux de ses mots sur la clavier. Tout est endormi Ici. Elle est telle une veilleuse qui garde leur sommeil. Elle est Ici et Lui est Làbas. Comment ils se sont trouvés importe peu. Petit à petit, au fil des nuits, des jours, des heures, ils ont tissé la trame de ce qui les lie. Si éloignés et pourtant à quelques bits et clics l'un de l'autre.

Cela a commencé par quelques mots d'une banalité terne sur le temps, la vie, la crise. Puis, il y a eu des touches plus personnelles, des smileys et des questions. Les tweets sont devenus des DM qui n'ont plus suffis car 140 c'est si court. Alors y a eu les mails de plus en plus longs, de plus en plus rapprochés. Lui est Làbas et Elle est Ici. La « magie » de la Toile... Elle lui a lu quelques lignes et il y a répondu. Puis ils se sont échangé de la musique. Ils se sont fait découvrir leurs univers sonores, visuels, intimes. Pourtant ils n'ont pas voulu ni se parler directement ni s'échanger de photos. Non. Cultiver l'attente. Attiser l'envie. Déclencher le désir.

Chaque jour à Elle de ses nuits à Lui est rythmé par les quelques notes du téléphone qui la ramène constamment à ce qui les accroche. La Toile s'étend d'une rive à l'autre pour mieux les réunir. Il travaille quand elle devrait dormir. Et pourtant, elle passe une partie de ses nuits engluée à son écran pour faire un peu partie de ses jours. Ils sont l'Une Ici et l'Autre Làbas. Chacun sait tout de la vie de l'autre constamment connectés l'un à l'autre. Ils ont fini par se parler et par se raconter. Twitter, Gmail, Facebook, Viber, Gtalk, Instagram, Snapchat, Skype, les textos, le téléphone... Tout pour communiquer et ne jamais casser le lien. Il fait partie de sa vie plus surement que s'ils vivaient ensemble.

Il connait ses fantasmes. Elle sait ses envies. Ils se chuchotent le plus intime et s'écrivent le plus brûlant des heures entières. Ils se touchent du bout des doigts en direct live. Elle connait chaque pixel de son visage. Toutes les émotions qui déferlent et les sentiments qui l'habitent se résument au contact de ses doigts sur quelques touches de plastique.

Elle le croyait Làbas mais Il est Ici. Il sait tout d'elle et surtout il sait comment la trouver. Ce qu'il préfère entre tout est l'instant où elles ouvrent leur porte l'air un peu interrogatif puis surpris avant de prendre peur. Ce qu'il préfère par dessus tout, c'est la traque. Tisser sa toile sur la Toile. Ce soir, il vient collecter ce qu'il considère être son dû. Ce soir, il est à sa porte... #OFF 



NB :  La photo m'a été transmise par @Gregatort.  C'est un cliché d'une toile de Magritte (que j'adore)  intitulée "les Amants".
Les autres participants sont @Lactimelle , @RienARedire et @Venise3 . En cliquant sur les liens, vous arriverez directement sur leurs blogs afin de voir leurs images et de lire leurs histoires... Faites-vous plaisir et allez y!

 

mercredi 16 octobre 2013

Impatience


Les pieds qui s'agitent sous la table et les mains qui n'arrêtent pas de tripatouiller quelque chose. Il y a ensuite cette sensation d'oppression qui s'installe, l'impression de manquer d'air. Sans parler de l'irritation puis de l'agacement qui rend acerbe et lapidaire. Finalement, il n'y a plus qu'une envie : sortir !
Quitter la pièce en ouvrant la porte à la volée. Remonter le couloir et faisant tonner les talons impérieusement, furieusement. Vite, vite, vite dévaler les escaliers. Rester sourde aux interpellations des uns et des autres. Traverser la cour et atteindre le parking. La voiture. Contact. La rocade puis la quatre-voies. Avaler les kilomètres en s'obligeant à réfréner cette envie d'écraser l'accélérateur. La musique à fond et chanter à tue-tête pour libérer un minimum d'énergie. Allez, le temps ! Plus vite que diable !!!
Finalement la gare est au bout de la rue. Il n'y a plus qu'à attendre... Attendre ?!! Et ce train qui n'arrive pas... Plus vite que diable !! Faire les cents pas et creuser le béton du quai. Aller-retour... Aller-retour... Les mains s'agitent, le cœur s'emballe et s'énerve.
Le grondement de la berline et le crissement aigu des freins... Balayer frénétiquement du regard, chercher sa silhouette connue. Et reconnaitre cette démarche familière. Enfin être au creux de son cou et sentir son odeur... S'apaiser. Respirer. 

 

Ce texte est un petit jeu d'écriture proposé par Venise et relayé par Emilie, Greg et Lactimelle 

image trouvée
 

Brève d'automne


 Il y a la brume qui s'effiloche aux ronces et aux branches qui s'effeuillent parfois si paresseusement. La lumière, ambrée comme le miel, enrobe de sa caresse fraiche les collines alentour, cuivrant tout ce qu'elle effleure. L'air est encore doux mais le vent apporte les frimas venus du nord. C'est le mois des premières flambées et des premiers chocolats chauds devant la cheminée au retour de balade. C'est le mois des étoles duveteuses et des manteaux, des bonnets aussi. Des promenades sur des tapis éphémères rougeoyants qui crépitent sous les pas. C'est le temps des premières tailles et des dernières tontes, des récoltes tardives et des bouquets aromatiques qui sèchent aux poutres des maisons. Ce sont les dernières belles journées avant longtemps. Le temps du cocon et du nid douillet. Arrive avec lui le temps du partage autour des plats mijotés pendant des heures. Des longues soirées tranquilles, lovée dans un plaid, des histoires qui se découvrent et des secrets qui se chuchotent. Ce sont aussi les longues marches main dans la main et les bouts de nez froids. C'est un mois d'ors et de chaleurs douces. Celui qui précède les tempêtes d'hiver. Ces semaines là, la nature devient baroque, somptueuse et murmure à chaque rafale qui la met à nue « ne m'oublie pas... à l'année prochaine ». Et c'est la plus réjouissante des promesses. Je suis une fille d'Octobre et chaque année j'y retrouve un trésor qui m'enchante sans jamais me lasser. J'aime l'automne. 


 

lundi 14 octobre 2013

Ecrire

Un autre extrait des Carnets du grenier, redécouverts il y a peu. 12 ans déjà...

 30.08.2001 - 21h

Écrire pour garder en soi les possibles.

Écrire pour se révéler, grandir et s'ouvrir.

Écrire pour vivre et s'épanouir.

Écrire pour être.

Écrire pour dire et se dire.

Écrire pour exister dans l'éphémère fixé à jamais sur cette échappée lisse et blanche que sont les pages et qui après le passage de la plume ne sera plus une immensité vierge mais sera, au-delà de son effacement, un monde nouveau, découvert et marqué par moi, mes mots et mon sens.

Cette page est devenue mon Alaska, mon Everest ou mon Sahara.

Elle porte en elle l'effort, la peine, le doute, le soulagement et la fierté.

Elle porte en elle l'expiration ultime du point qui clôt l'avancée, tel un étendard infime mais définitif à jamais posé là, unique et si simple qu'il en paraitrait banal.

Et pourtant, c'est mon point, mon étendard, ma fin.


lundi 7 octobre 2013

Parts de Vous : Elisabeth

Vous connaissez "Parts de Vous" et vous vous exprimez régulièrement avec sensibilité, force, délicatesse, talent et conviction. C'est ce que j'apprécie tant dans vos écrits.

Lorsque j'ai reçu le texte d'Elisabeth, je me suis retrouvé plongée dans ma vie de jeune adulte. Pas du tout parce que j'ai vécu la même chose, non, mais parce que cela m'a renvoyé à certains événements et aux choix que j'ai pu faire alors. Et cela ravive cette question qui jamais ne me quitte : qu'est-ce qui fait que l'on arrive à prendre certaines décisions (salutaires) à certains moments alors même que les circonstances et qui on est à ce moment là pourraient nous entrainer résolument sur une autre pente, plus négative ou nocive... l'instinct de survie? Le libre arbitre? La raison? 

Pour l'instant, ce sont les mots d'Elisabeth qui comptent et la force de vie qui s'en dégage.  Elle a accepté que les commentaires soient ouverts mais n'y répondra pas forcément tout de suite.
"Novembre 1985. J'ai 12 ans et je suis en 5eme dans un collège de quartier ni vraiment bourgeois, ni tout à fait populaire. Les restos du cœur n'existent pas encore, et sur les ondes Balavoine chante Sauvez l'amour.

Ma vie d'alors est passablement compliquée, et je passe bien plus de temps à cacher des secrets d'adultes qu'à vivre. Déjà à cet âge je ne suis pas très sociable. Mais j'ai une amie. De celles qui vous éclaire de l'intérieur, par sa seule présence.

Nous venons toutes deux de familles atypiques. Les étiquettes nous collent aux baskets et nous les piétinons avec rage. Je sais depuis le premier jour que chez elle tout n'est pas rose. Elle a deux ans de plus que moi, et certains de ses amis sont bien plus âgés encore. L'âge des motos, des tatouages, et des cigarettes roulées.

Au fil des mois, se crée une passerelle entre plusieurs mondes. Je vais emprunter assez souvent la passerelle vers les copains plus âgés. Découvrir le plaisir des pointes de vitesse à moto, sans casque. Sans se tenir. Les slaloms à contre-sens sur l'autoroute. Imiter la signature de ma mère ; tailler les cours à la barbe des surveillants et essayer sans succès d'apprécier le goût du whisky.

Depuis quelques semaines, néanmoins je vois mon amie changer, elle maigrit à vue d’œil, et sa lumière semble vaciller. De mon côté mes prises de risques augmentent, je vais au conflit systématique. Je n'existe que dans la rage. Aussi quand il est question de rejoindre les copains plus âgés au squat je n'hésite pas. Je pense même essayer ces fameuses cigarettes, après tout pourquoi pas. Cela ne peut pas être pire que leur mauvais whisky.

Mais quand je les rejoins ce jour là, elle est déjà partie. Près d'elle abandonnée une seringue dont quelques gouttes perlent encore. Elle respire, sourit, mais la personne que je connaissais n'est plus là. Et j'ai beau la secouer, rien n'y fait. Elle ne VEUT pas revenir.
Subitement je vais voir. Vraiment. Les yeux vides, les mains qui tremblent un peu, juste un peu, le matelas répugnant de crasse posé à même le sol, ces sourires qui n'en sont plus depuis un moment déjà, les bouteilles vides qui jonchent le sol. Et je regarde mon amie, sachant que je ne peux rien faire. Sur ce chemin là, je ne peux pas aller.
Je finis par me laisser tomber à côté d'elle. Anesthésiée. Ne pouvant plus penser. C'est là que F va me tendre une autre seringue. Remplie.

Encore aujourd'hui j'ignore pourquoi j'ai refusé. La peur, sûrement. De perdre complètement pied. La seule chose qui me restait c'était le contrôle. Connaître les secrets, jongler avec les vérités. Le contrôle. Aussi dérisoire soit-il ...cette drogue l’annihilait.

Ce jour là, j'ai compris que dans ce vieux hangar rouillé je ne pouvais rien contrôler. Pas même ma peur. Celle qui m'a fait fuir.

Un mois plus tard. Elle quittait le collège, officiellement c'était dû à une mutation de sa mère ailleurs. Officieusement, personne ne savait comment gérer sa mutation à Elle.

J'ai appris que le contrôle est illusoire. Et vital. Tenter de tout prévoir, pour pouvoir s'adapter à l’imprévisible. Et lâcher les mains. A contre-sens du monde.


Partir effacer sur le Gange
La douleur
Pouvoir parler à un ange
En douceur
Lui montrer la blessure étrange
La douleur
D'un homme qui voudrait trouver
En douceur
Au fond de lui un reste de lueur
L'espoir de voir enfin un jour
Un monde meilleur

Balavoine "