Mon
Petit Bout,
Cela fait un moment que je veux te découvrir mais soit je n'arrivais pas à coordonner mon emploi du temps, soit j'étais prise d'un accès de timidité. Parce que vois-tu, mon Petit Bout, tu m'impressionnes. Ta réputation te précède. Alors je ne savais pas trop. Quelque chose me disait qu'il fallait t'apprivoiser plus que d'essayer l'approche genre « Attila le Hun ».
J'ai
finalement décidé de me lancer mais sans savoir si j'irais vraiment
jusqu'au bout. J'ai soigneusement choisi ma tenue. J'ai prévu
quelques goodies pour la route. J'ai même caché au fond de mon sac
ma brosse à dent et une dentelle de rechange, on ne sait jamais...
Arriver jusqu'à toi n'a pas été de tout repos tu sais. Tu te
mérites ! Je t'ai cherché. Il a fallu que j'explore et que je
tâtonne. Et finalement, tu t'es dévoilé. J'osais à peine sortir
de la voiture. J'en étais sans voix, bouche bée. Tu es resté
imperturbable. Fier, conquérant et dressé. Et je me suis sentie
comme une première communiante, gauche et hésitante. Pas à pas,
tout doucement, je me suis approchée de toi. Je t'ai dévoré du
regard. Et puis, il y a eu ta saveur doucement salée sur mes lèvres.
Et j'en ai voulu plus...
Je
me rends bien compte que je me réfugie derrière la légèreté et
l'humour. Tu mérites mieux mais tu sais, quand l'émotion est forte,
c'est difficile parfois de trouver les mots. Je vais essayer malgré
tout.
Pour
tout te dire, ce matin là, lorsque je suis monté dans la voiture,
je n'avais pas de but précis.J'avais bien prévu de venir te
rencontrer mais je n'étais plus si sûre. J'avais juste besoin de
partir, rouler droit devant et advienne que pourra. Un thermos de
café et des viennoiseries encore chaudes à portée de main et je
suis partie. Le soleil se levait à peine et il faisait bien frais.
Ma voiture avalait les kilomètres et puis... Je me suis décidée d'un seul coup. Direction plein ouest. J'ai
roulé longtemps. Le paysage a changé et les noms aussi. A un
moment, j'ai eu l'impression d'entrer dans un autre monde peuplé de
légendes, de musique, de traditions et de fêtes.
J'ai
continué à avancer, dos au soleil. Maintenant que j'étais décidée,
j'avais hâte d'arriver. Pourtant, j'ai pris tout mon temps.
Puis
il y a ce moment où j'ai eu l'impression de passer un portail, de
basculer de l'autre côté.
La
route devient plus sinueuse et bien pentue aussi. Volo me susurre que
sous le feu de tes baisers je frissonne alors que je passe un pont
suspendu au dessus de l'eau. Le paysage est irréel. Je suis en
Écosse ou dans un fjord norvégien. Il me faut rouler encore presque
une heure, sur des routes de plus en plus petites. Le paysage change
encore.
Et
à un moment donné, la route s'est arrêtée. Impossible d'aller
plus loin. Je suis presque arrivée au bout de la terre. C'est
indescriptible comme sensation, une jubilation mouillée de sel et
carillonnante de rire.
Je
continue à pied. J'avance jusqu'à que je ne puisse plus. Je suis
seule et je suis arrivée au bout du monde. Face à moi, l'eau de
couleurs insensées du bleu profond au vert presque turquoise. Mes
yeux sont trop petits pour embrasser tant de beauté. Où que je pose
mon regard, elle y est. Rude, sauvage, parfumée, sonore. Mon corps
devient bien trop étroit pour contenir tout ce qui me vient. Le vent
est si dense que je suis sure que si j'ouvrais les bras, j'irais
voler avec les cormorans et les mouettes. Je les vois surfer sur
l'invisible et j'ai envie de les rejoindre.
Je
reprends ma marche et je me suis posée sur ces rochers. Cette
impression d'être suspendue entre terre et eau, entourée de genêts,
de bruyères et de plantes dont je ne connais pas le nom. Pas de
réseau. Personne. J'ai prévu les écouteurs pour la musique :
le ressac et le vent suffisent largement. Pas envie de gâcher cette
symphonie maritime.
C'est
fou ce que du fromage avec un morceau de pain, des tranches de
saucisson et quelques gorgées de café peuvent être savoureux
lorsqu'on est à la fin du monde. Face à moi, l'horizon : pas
une île, à peine quelques rochers et cette immensité que rien ne
retient.
C'est majestueux. Grandiose. Grandi-ose. Grandis encore et ose devenir...
Alors tu vois mon Petit Bout, tu m'as vraiment impressionné mais ça n'a pas duré. Tu es accueillant et confortable. Tu m'as fait un bien fou. Régénérée, revigorée, allégée. Éreintée aussi : tes pentes et tes escarpements se gagnent avec de l'énergie et du souffle. J'ai fait ta connaissance et je reviendrai te voir. Je ne sais pas quand car tu n'es pas si accessible mais je te porte en moi maintenant. Et tu m'as offert quelque chose d'inestimable. Grâce à toi, je suis allée au bout de la terre.
Bien
à toi , mon Petit Bout, avec amour...
Tu as bien fait de le mettre en ligne... Ce texte est très beau !
RépondreSupprimerMerci...:-)
SupprimerSophie a raison, comme toujours.... superbe texte !
RépondreSupprimerça rejoint un peu l'image des colombes ;)décidément ta journée est sous le signe des volatiles ;)
hahahahaha!! :-D En quelque sorte, oui ;-)
SupprimerMerci!! :-)
Coïncidence ? Les mêmes embruns, les mêmes vagues, les mêmes turquoises emmêlées, les ors et les roses, ajonc, genêt, bruyère. Le même souffle. Le même chemin. Quelque chose tire vers là-bas, sans qu'on sache vraiment quoi, ni comment, ni pourquoi. Peut-être la lumière, vibrante : ça m'a eue par surprise. Depuis, juste une obsession. Revenir. Rester.
RépondreSupprimerAu bi du bout. Ainsi je le nomme. A chacune ses mots doux.
Paisiblement, l'évidence, c'est là et c'est tout. L'ancre jetée au port, près des cormorans, goélands, près du rêve du fou.
Quand j'habite, c'est là.
http://blog.fanfiole.fr/post/2010/10/24/Délit-de-fuite
Exactement là.
Ailleurs, j'étouffe.
Scotchée je suis... Ce pays est donc magique!! :-) (très beau texte au passage...)
SupprimerOui, c'est quelque chose de cet ordre là...
Merci de ton commentaire et bienvenue ici ;-)
Merci pour le merci et pour la bienvenue. Je me doutais bien que nous étions souvent voisines... (Je te lis en cachette depuis un moment...) Mais avec ce billet...
SupprimerOui, ce pays est magique, chhhhhhhhhhhhut... préservons-le.
Ar wezh all ;)
Je n'y étais que de passage :-)
SupprimerHello. Superbe texte et superbe endroit pour y mettre mon Centre de Retraitement et d'Eradication des Véhicules ;-)
RépondreSupprimerTU NE TOUCHES PAS A MON PETIT BOUT!! ;-)))(merci...)
SupprimerHeureusement que l'on a tous un petit bout qu'on aime. Il peut être dans les terres, ensoleillé ou non, rafraîchi par les embruns ou sec et brûlant. Mais il nous appartient. Parfois on en parle, comme toi, donnant envie, et protégeant aussi, et parfois on se le garde tout simplement pour soi.
RépondreSupprimerOui, je crois que l'on est beaucoup à avoir un petit bout...
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