Mon
cattleya se meurt. Ses feuilles maîtresses tombent les unes après
les autres et même les feuilles des jeunes pousses noircissent... Il
se meurt. Je n'aime pas voir les plantes souffrir mais rien n'y fait,
il se meurt. Et cela ne m'émeut pas plus que ça. Il y a encore
quelques mois, j'aurais été triste de voir dépérir ainsi un
témoin de mon passé. Mais là, j'ai beau chercher : aucune
nostalgie du temps que ce cattleya représente. Rien. Je
l'avais acheté parce que mon Julesdalors m'avait parlé de ce
bouquin où cet auteur vaguement connu nous parle de cattleyas...
Oui, j'étais romantique dans les extrêmes à cette époque. Remarquez,
avant lui, il y a eu ce sweat à capuche d'Autrejulesdalors, avec
lequel j'ai fait le ménage et sur lequel j'ai renversé la bouteille
de javel. Poubelle. Rien. Pas l'once d'un regret ou d'une nostalgie.
Plutôt une forme de légèreté même.
Et
tous ces mugs, marqués au sceau des souvenirs des 15 dernières
années. Joliment emballés dans du papier journal, ils ont fait le
bonheur de cette asso locale. J'y ai ajouté divers objets, quelques
livres et même une lampe. Allégée encore.
Après,
il y a ces objets qui paraissent anodins et dont jamais je ne
séparerai. Ce vieux bol ébréché, à chaque fois que je l'utilise
je suis à nouveau dans la cuisine de la maison de vacances de ma
tante, j'entends nos rires, nos discussion et je sens la
moussaka en train de cuire doucement. Ce coupe-papier me renvoie chez
ma grand-mère que je vois en train de brosser ses cheveux pour faire
son chignon et je sens l'Heure Bleue. Et cette vieille table de
cuisine en formica à laquelle je me me suis assise pour prendre des
goûters pendant que ma grand-mère, l'autre, cuisinait et c'est
l'odeur de la vanille ou de sa poudre Bourjois qui s'invite...
Certains objets sont chez moi à demeure.
Maintenant, il y a les vêtements... Je ne vous parle même pas de mes vêtements! Pour diverses raisons, je
n'avais pas ouvert tous mes cartons en arrivant ici. Après tout, je
ne pensais pas rester bien longtemps. Et là, j'ouvre et je fais
l'inventaire. Je regarde ces pulls colorés, ces tuniques originales,
ces jupes, ces robes, ces pantalons. Je les reconnais, c'est moi qui
les ai acheté et porté pendant des années. Des vêtements de
marques peu connues qu'on ne voit pas partout ni portées par toutes. Je
dois en garder un sur cinq, guère plus. Toutes ces coupes et ces
couleurs ne sont plus moi. Je crois qu'à l'époque j'avais besoin
d'avoir un certain style pour me cacher derrière, qu'on ne me voit
pas, juste voir celle qui devait être vue pour me masquer. Et puis
je portais à l'extérieur les couleurs que je n'avais pas à
l'intérieur. En moi, il faisait fort sombre et froid. Alors mes
pelisses étaient chaudes et colorées.
Aujourd'hui,
j'ai envie de plus de simplicité et de sobriété. J'aime les
couleurs, mais autrement. Et j'ai surtout la sensation d'être
colorée de l'intérieur. Plus besoin d'afficher de chatoyances, je
les porte en moi. Alors je peux m'habiller d'uni, de sombre, simple,
sobre. Peu importe. Puis,
ici au FFDMC, cela n'a strictement aucune importance. Tout le monde
s'en fiche moi la première. A Paris, c'est autre chose. J'aime bien
m'habiller autrement, un peu plus urbaine, porter des talons, me
maquiller. Et encore, pas tout le temps. J'en
suis la première étonnée. Un peu interloquée et déstabilisée
mais je vais m'y faire.
Deux
ans et une maison-un jardin-des boulots-des réflexions-une
formation-des liens-des attaches-tant de choses-un blog plus tard,
j'ai changé. Mon changement de vie change ma vie, me change. Oui,
c'est une lapalissade. Mais c'est vrai. Ça n'est pas un paradis de
bisounours pailletés, non. C'est juste ma vie en mutation avec ses
bonheurs, ses difficultés, ses écueils et ses succès. Petit à
petit, j'ai l'impression de me découvrir, de m'épanouir. Je
m'autorise peu à peu à être moi, sans artifices superflus. Je
tombe les armures. Je renforce ma colonne vertébrale. Je suis moi et
c'est suffisant. Je suis imparfaite et c'est bien comme ça.
J'aime
ce que je vis et je veux continuer à tout concilier. Je
veux ici, mes amis, mes surprises, mes découvertes, mes
incertitudes, mes amours, ma formation, mes allers-retours. Je veux
vivre pleinement et je refuse de choisir. Et avant tout, je ne serai
plus ma propre variable d'ajustement, pas dans cette vie-ci.
Peut-être suis-je trop gourmande ou trop exigeante mais je veux
essayer. Je
ne l'avais pas vu venir. Tout ce qui m'arrive n'était certainement
pas planifié quand j'ai décidé de tout plaquer et de m'échouer
ici. Je suis en chemin. Et petit à petit, je m'allège (ou la vie s'en charge pour moi) de certaines réminiscences de mon passé, d'Ex Voto
pas très positifs, de marqueurs inutiles.
Alors
oui, mon cattleya se meurt. J'en suis désolée pour lui mais il a
fait son temps et ces souvenirs aux relents amers aussi. S'il
survit, il ne sera plus qu'une orchidée de la variété des
cattleyas.
Comme disait Marcel, faire ou défaire il faut savoir se le faire....
RépondreSupprimerJe n'ai jamais accroché avec Marcel car peu ou Proust, il m'ennuie. Mais ce que tu dis me plait...
SupprimerMerci pour ton passage et ton commentaire, du nord nord de l'Europe ;-)
Plus je te lis, plus je t'aime, par écrans interposés. Tes couleurs intérieures, elles transparaissent et elles rayonnent loin, loin par le biais de tes mots :-)
RépondreSupprimerOh... merci pour ton commentaire! Il me touche beaucoup :-)
SupprimerLa nostalgie ne vaut que pour ce qui a de la valeur, le reste se défait tout seul, se délite avec le temps, tombe en poussière et n'a plus le même pouvoir. c'est bien ainsi.... Je suis ultra conservatrice, j'ai encore bien des progrès à faire :)
RépondreSupprimerje confirme tes couleurs à l'intérieur se voit à l'extérieur, pas besoin de déguisements chatoyants ;)
#desbises miss frayer ;)
Probablement que ce genre de lâcher prise arrive quand c'est le bon moment, quand tu sais (sans le savoir) que tu es prête.
SupprimerMerci pour ton partage et ton beau commentaire #desbises
oh l'horrible faute "se voient".....
Supprimerj'ai du mal à me défaire des choses, et encore plus à ce qu'on m'abandonne ;) par contre je me défais très bien des gens.. on est tous bourrés de contradictions !
Il ne me semble pas choisir ceux qui restent et ceux dont je me sépare. Mais c'est souvent une bonne surprise quand je les retrouve par hasard. J'ai une grande maison, contenant des traces de trois générations d'habitants et je fais partie des deux dernières. Ce n'est pas une tragédie quand ils cassent ou sont volés car ayant vécu la perte d'humains qui m'étaient chers, je sais que les objets ne sont que des objets. Même s'ils me rappellent ces humains parfois, les images de ma tête, elles, ne seront jamais cassées ou volées. Elles m'appartiennent vraiment. Je n'ai quasiment plus de plantes à l'intérieur depuis que j'ai un jardin. Et je suis très peu douée pour les garder de toutes façons. En revanche, j'essaye de m'habiller en couleurs, car le noir et les couleurs ternes des gens qui m'entourent m'ennuient, rendent mon décor sans intérêt. Je crois que les gens sont plus beaux en couleurs. Mais c'est un goût personnel.
RépondreSupprimerMerci beaucoup pour ton commentaire. Oui, les images restent en soi à jamais :-)
SupprimerJe me suis rabattue sur les accessoires et les écharpes pour la couleur. J'aime ce que tu dis "les gens sont plus beaux en couleur"...
Je voulais aussi ajouter que je vis dans une région où le ciel gris est là souvent, alors si en plus nous sommes en noir et blanc...
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