mardi 24 mars 2020

Covid19, confinement et considérations

Ce que j'apprends depuis que je suis en confinement...


Ce que cela m'apprend c'est que je manque d'humilité : je pensais être capable de faire face sans un plissement du front et j'avais tort.

Ce que cela m'apprend c'est qu'aimer trop une personne conduit à ne pas faire les bons choix et que cela revient en effet boomerang ensuite. Je suis allée chercher Tatie en catastrophe avec une amie le mardi avant la mise en place du confinement. Seule chez elle à 92 ans, je ne pouvais juste pas l'envisager. Ce changement de cadre a été brutal et violent pour elle. Donc depuis une semaine, je temporise, je lui donne les nouvelles mais en y mettant les formes. Mauvaise idée. Elle ne se rend pas compte et donc conteste chaque chose que je peux dire qui restreint sa liberté. Et c'est une personne libre ma Tatie...

Ce que cela m'apprend c'est que je suis protégée et que j'ai bien de la chance.


Ce que cela m'apprend c'est que l'amitié c'est vital. Passer des heures chaque jour à papoter, s'appeler, envoyer juste un petit message pour faire coucou. L'introvertie que je suis a cependant besoin de ces moments chauds et pleins de tout.

Ce que j'apprends c'est qu'il faut accepter d'attendre... Mon métier me conduit à vouloir aider, accompagner et soulager les souffrances des personnes. Dans un premier temps, je me suis précipitée car je voulais absolument offrir mes services et mes compétences. Faire du bénévolat comme écoutante. Agir. Parce qu'en fait c'est de cela dont il s'agit : combattre cette hébétude, cette stupeur voir cette sidération. Agir, faire, mettre le corps en mouvement, se sentir utile aide à dépasser cet hébétement et à continuer à vivre.
Pour autant, pour beaucoup de raisons, dont des querelles de chapelles et de courants de psychologues, j'ai fait un pas de côté. Puis, il se trouve que j'ai eu une proposition que j'ai accepté avec enthousiasme. Je vais être utile, différemment et cela va peut-être me permettre d'éviter de mettre la clef sous la porte.
Et pour le reste? Il va y avoir un après... Et il va y avoir besoin de professionnels de santé de tous métiers pour accompagner l'après. C'est moins glam, c'est moins héroïque et cela peut paraître moins altruiste mais c'est une réalité. Il y aura une vague après qui découlera directement de ce qui se passe en ce moment et de cette première vague que nous attendons. Elle ne sera pas virale cette vague. Elle sera humaine et traumatique. Et nous serons là vous savez, nous serons là. On peut aussi faire du bénévolat/accompagner une fois le pic passé. Nous serons là pour vous soyez-en sur-e-s!

Ce que j'apprends c'est l'impuissance, c'est la beauté de l'infiniment petit, c'est la chaleur des yeux qui sourient malgré le masque, c'est la gratitude d'être en vie.

Ce que j'apprends c'est qu'il faut TOUJOURS avoir du gin et du tonic d'avance parce que être confinée sans Gin Tonic à boire en apéro avec les amis via les divers possibilités de visio, c'est carrément pas cool du tout.

Ce que j'apprends c'est que je suis capable de concevoir une proposition commerciale et de la mettre en œuvre rapidement.

Ce que j'apprends c'est d'accepter d'être aidée et de demander de l'aide avec simplicité.

Ce que j'apprends, c'est que je suis en vie.

Ce que je sais, c'est tout ce que je dois aux personnels de santé et que je voudrais pouvoir les prendre chacun-e dans mes bras, les soulager, les consoler, essuyer leurs larmes ou les écouter déverser ce qui les submerge. Je voudrais leur montrer que je suis là pour eux.

S'il vous plaît, écoutez-moi juste une minute vous qui êtes au front du soin : vous êtes formidables. Vous y êtes et vous assumez avec un professionnalisme et un sens du sacrifice qui me mettent les larmes aux yeux. Vous faites du mieux que vous pouvez alors que vous n'avez pas toujours les moyens de travailler dans de bonnes conditions.
Sans vous, cela serait pire. Sans vous, il y aurait encore plus de morts. Sans vous, les malades qui meurent mourraient seuls.
Ils ne meurent pas seuls parce que vous êtes ou étiez là.

N'oubliez JAMAIS cela, vous étiez là. Ils ont vu vos regards. Ils ont été soignés par vous. Ils ont eu vos attentions. Ils n'étaient pas seuls.

Parfois, cela se résume juste et formidablement à cela : ils sont morts mais vous étiez là. Ils n'étaient pas seuls.

Merci. Infiniment. 
 

3 commentaires:

  1. Bien souvent offrir ses services est le moyen de se flatter l'égo. Un peu comme l'humanisme dont on constate qu'il est généralement auto proclamé.

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    1. C'est une manière de voir les choses... Je ne partage pas ce point de vue, pas du tout même. Réduire l'aide à une vile flatterie de l'ego revient à dire que l'être humain n'est pas capable d'empathie, de générosité, de résilience ou d'altruisme. Cela revient à dire que l'altérité n'existe pas. Vous avez une vision sombre et triste du genre humain je trouve.

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    2. Toujours la même histoire. Face à l'altruisme on trouve ce reproche "tu ne cherches qu'à te faire plaisir à toi même"
      Et quand bien même ?
      Il en est qui trouvent leur plaisir à dénigrer, brider, briser. D'autres le prennent en aidant, soutenant, pansant.
      Je préfère les seconds. Les altruistes plutôt que les pervers et s'ils se font plaisir, tant mieux.

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