vendredi 12 juillet 2019

Tristesse

Je ne sais pas pourquoi, ce soir j’écoute Barbara. Ou plutôt si. Parfois je m’autorise à la laisser sortir. De préférence la nuit et quand je sais que je n’ai rien de prévu le lendemain car la nuit va être rude. Ma compagne roulée en boule bien serrée au fond de moi : la tristesse.

Mélancolie, chagrin, souvenirs, déprime, douleur, peine… On y met les mots que l’on veut. Pour moi, c’est tristesse.

Je vois presque les personnes qui me connaissent s’étonner. Comment ça la tristesse ?! Tu es à l’opposé de la tristesse enfin ! « Comment tu vas ? » ... Je ne me vois pas répondre « je suis triste aujourd’hui », c’est encombrant la tristesse. Pour soi et pour les autres. Qu’est-ce que vous voulez en faire ? Alors, je ne vois que le reste, la plupart du temps : le beau, le bon, le drôle, l’agaçant, l’enthousiasmant. Bref, tout ce qui fait la vie !

 
Sauf que vous voyez, la tristesse est une compagne constante, un morceau de moi. J’imagine que c’est le lot des personnes qui ressentent fort et intensément la vie : plus fort dans la joie mais aussi plus fort dans les cassures. Plus fort dans l’amour et plus fort dans la peine. Plus fort dans les émotions. Plus fort et, en ce qui me concerne, le plus contenu possible. Chacun-e fait au mieux.

Elle se fait toute petite et lorsque je l’oublie trop longtemps, elle se rappelle brutalement à mon souvenir et frappe à la surface. Pour reprendre les mots de Barbara :

« Je l'ai trouvée devant ma porte,
Un soir, que je rentrais chez moi. 
Partout, elle me fait escorte.
Elle est revenue, elle est là,
La renifleuse des amours mortes.
Elle m'a suivie, pas à pas.
La garce, que le Diable l'emporte !
Elle est revenue, elle est là »

Oui, c’est presque ça (Je sais la chanson de Barbara est « la solitude ». Pour autant, substituez-y « tristesse » et ça le fait tout autant…). Elle n’empêche pas le bonheur. Elle colore juste ma vie, comme un arrière plan plus ou moins intense.
J’ai essayé de la combattre mais cela n’a pas été très concluant. Alors j’ai décidé de l’ignorer, la plupart du temps. Et lorsque je ne peux plus (l’ignorer) alors je la regarde bien en face. On s’affronte, on se reconnaît puis on fait la paix. Alors, je la refoule jusqu’à qu’elle ne soit plus qu’un vague bruissement ou une vibration comme une basse fréquence. Et puis je continue et je vis, aussi pleinement que possible. Je ris, j’avance, je construis, je fais des choix, j’apprends les renoncements mais aussi les découvertes. J’ose, j’ai peur, je recule ou je fonce dans le tas. Je ressens fort et j’ai du bonheur.
C’est juste comme ça, mon bonheur et ma tristesse dansent le tango depuis si longtemps que je crois qu’ils ont toujours dansé ensemble. Quels qu'aient été mes moments de vie, seule ou à deux, elle a toujours été là. M’encourageant à rire plus, à vivre beaucoup et à déguster chaque moment. Cela n’empêche pas la joie de vivre…

Je ne sais pas si elle partira un jour. Je ne vais pas chercher d’ailleurs à la faire déménager. Nous nous sommes apprivoisées. Peut-être qu’elle me permet de mieux comprendre les douleurs des autres. Peut-être me rend-elle plus compréhensive. Mais peut-être me conduit-elle aussi être brutale et tranchée parfois, pour ne pas lui laisser trop de place.


« Je cherche des mots adéquats pour construire des espaces de silence » a écrit Anise Koltz (dans Galaxies intérieures). Je cherche encore… 
 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire