mardi 16 juin 2015

Innommable

Innommable : Qui ne peut être nommé, qu'on ne veut ou qu'on ne peut nommer (Def. CNRTL). C'est la définition la plus simple du mot. Et c'est ce qui m'est venu en lisant un article, partagé par une amie sur sa page Facebook. Impossible de « liker » une abomination pareille. J'ai lu le titre de l'article et je n'ai pas voulu y croire alors j'ai cliqué pour lire ce qui était écrit. J'en suis restée pétrifiée, littéralement. En moi, je pleurais, je hurlais de rage, je vomissais de dégoût et j'étais terrifiée. Mais rien ne sortait.

Je n'ai pas envie d'utiliser de métaphores, de périphrases ou de formules pudiques pour ce qui suit.

L'article est intitulé « Une fillette Yéménite de 8 ans décédée au lendemain de sa nuit de noce » … Cette enfant, Rawan, a été vendue par son beau-père à un homme de 40 ans. Les termes de « mari » et de « nuit de noce » sont entre guillemets dans l'article. Pour résumer les choses : un homme a vendu une fillette à un autre homme qui a ensuite pénétré le vagin de cette enfant avec son pénis d'homme adulte ce qui a conduit à ce que son utérus soit déchiré et qu'elle en meurt dans une chambre d'hôtel.

Il y a des hommes assez pervers, tordus et malades pour bander devant une petite de 8 ans. Ça n'est pas forcément une question de désir mais c'est aussi (et surtout) une question de pouvoir. Je le sais. Quand j'étais éduc' , les abus sexuels sur mineurs n'étaient pas chose rare. J'ai accompagné des enfants qui avaient été violés. J'ai rencontré des abuseurs. J'ai entendu des révélations et j'ai lu des rapports . Cela faisait parti du boulot. Et mon curseur personnel quant à ce qui est « horrible » n'est vraiment pas là où est le curseur de la majorité des gens. Le métier fait ça, aussi. Il fait fluctuer les seuils de tolérance.
J'ai fait un bond en arrière brutal en lisant ces quelques lignes. Je suis retournée malgré moi dans les souvenirs de ce que le métier d'éduc' pouvait avoir de plus violent et de plus insupportable. Et il n'était pas question de détourner le regard ou de se faire porter pâle.

Vous pourriez me dire : il y a des atrocités chaque jour dans le monde, des guerres, des massacres, des réfugiés désespérés, des tortures. La liste est désespérément et malheureusement non exhaustive. Et vous auriez aussi raison.
Sauf que voilà, Rawan a pour moi le visage de filles et de garçons dont j'ai tenu la main et dont un jour un adulte avait décidé qu'il allait en faire son objet sexuel ou son défouloir pulsionnel. La majorité des abuseurs/violeurs sont des hommes, faut-il le préciser ?

Nous vivons dans un monde où les hommes, des hommes, peinent à considérer les femmes comme leurs égales (dans le meilleur des cas), les considèrent comme étant des objets sexuels voire des marchandises et ce quelque soit leur âge. J'en entends déjà me dire « ouaiiis mais ça se passe au Yémen, la culture, la religion, tout ça... Ils sont moins évolués que nous, tout ça... Nan mais attends là, tu mélanges tout... Tu fais des amalgames, c'est des exceptions... ». Alors dites moi messieurs (et mesdames aussi d'ailleurs), vous qui avez une fille de 8 ans, relisez l'article et on en reparle.
Parce que ce dont il s'agit c'est de la transformation de la personne en objet. Et la réification des femmes est une réalité. Machisme, sexisme, misogynie, discrimination, mansplaining, viol, brutalité, violence physique, violence psychologique, condescendance, mépris, inégalités salariales, inégalité ou incapacité juridique, harcèlement, mutilations, … Je crois que je pourrais continuer la liste encore.

Je suis dans une rage sans nom et la seule manière pour que cela sorte c'est de l'écrire. Je crois que ma rage est d'autant plus grande que je suis totalement impuissante. Et que ça arrive tous les jours. Et que je ne sais pas quoi faire.

Un jour, j'ai entendu dans je ne sais plus quel film cette phrase « Dieu compte les larmes des femmes ». Bientôt, il n'y aura plus rien à compter car les femmes n'auront plus de larmes tant elles ont pleuré.

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